Le fabuliste méconnu ( 126 )

Deux ours étaient prisonniers d’un triste sire
Qui les montrait de ville en ville
Ayant un peu d’argent il but plus que de raison
Les ours démuselés le voyant dormir comme un loir
Partirent à l’aventure sous un ciel noir
Se perdirent au plus épais d’une obscure forêt
Fourvoyés égarés ils se séparèrent sans le vouloir
Le premier après des jours de vagabondage
Arriva dans une ville d’animaux
Agitée par des mouvements furieux
L’émotion populaire en voulait au roi lion
« Une émeute ! Un monarque à détruire ! »
Dans un joyeux délire notre ours se joint aux séditieux
Il crie plus fort que tout le monde
Use de sa force pour être au premier rang
De ceux qui égorgent le lion
Puis notre libérateur poilu
S’improvise orateur
Aidé par un renard qui lui souffle ses discours
Il barde sa parole des droits du peuple
Et du règne des lois
A une voix de majorité il est élu roi
Devant une panthère un peu trop altière
On dit que la forêt conspire
Le nouveau souverain marche contre elle avec une nombreuse troupe
On attrape le second ours
Qui croit reconnaître son copain
Sans avoir pu parler il est exécuté
Il meurt sans comprendre que c’est un impardonnable crime
D’avoir échoué quand l’autre a réussi