Le vénérable Stéphane Hessel, dans sa sympathique introduction à notre livre commun à Régine et à moi, « Le militant contradictoire », a mis en valeur ma proposition sur un fondement humain, l’opposition entre Elan et Discipline.
A première vue cette « contradiction » majeure ressemble fort à l’opposition bergsonienne entre élan vital et enlisement dans l’inerte. Comme souvent cette vue initiale est fausse. Contrairement à Bergson, ce que j’appelle discipline n’est pas du tout l’inerte, ni même le pratico-inerte cher à Sartre. La discipline pour moi est aussi vivante que l’élan, aussi vitale.
La comparaison qui m’est venue à l’esprit est que je suis un animal vertébré au niveau aussi de la pensée. Celle-ci peut être intuition comme le proposait Bergson, encore lui. Mais la pensée essentielle dans l’espèce humaine est construite, structurée, en quelque sorte VERTÉBRÉE. ELLE DISPOSE MÊME D’UNE SORTE DE COLONNE VERTÉBRALE. Le squelette chez les vertébrés est aussi vivant que les autres organes du corps.
On ne peut dans l’humain séparer l’élan et la discipline. L’un ne va pas sans l’autre. L’un est aussi nécessaire que l’autre.
Que vient faire le haïku dans cette histoire prodigieuse ? A son niveau, souvent petit, il pose le problème de la dualité entre inspiration, sensible, concrète, et la discipline, au départ extérieure, de la versification ( dix-sept pieds ! ).
Dans mes poèmes j’ai essayé d »échapper à cette contrainte extérieure : despotismes de la rime, du vers régulier, du genre fixe comme dans le sonnet… Je suivais le courant contemporain, de loin dominant, par exemple dans le surréalisme. Le haïku me ramène aux bienfaits d’une discipline très exigeante, créatrice en elle-même.
Je me sens, toutes proportions gardées, proche des rhétoriqueurs de la fin du XV° siècle, à un moment où la poésie française se cherchait d’un genre à l’autre, par exemple le rondeau !, avant de créer, en partie sous influences italiennes, le fameux sonnet !! J’en suis loin.
N.B. : le haïku français, chez moi en tout cas, s’éloigne de son modèle japonais. Il est clairement abstrait.