J’ai reçu d’un vieil ami finlandais, U.K., une lettre que je trouve fort intéressante de la part d’un francophile averti :
« Mon cher Guy, je suis assez âgé pour me souvenir de l’émotion que suscitaient chez nous dans les années cinquante vos grands intellectuels, Sartre, Camus, Simone de Beauvoir… Nous préférions leur « existentialisme » à celui des Allemands.
Nous fumes troublés par le « structuralisme » des années soixante. Cette volonté affirmée de figer le raisonnement au profit de « structures » nous paraissait en désaccord profond avec le mouvement tempétueux de l’histoire qui a culminé en mai 68.
Cependant j’admirais Lévi-Stauss car son anthropologie ne pouvait qu’ignorer l’histoire inconnue de sociétés qu’on appelle primitives au profit de l’analyse systématique de structures auxquelles elles ont donné naissance, dans les mythes ou dans la parenté.
Le mouvement des année soixante-dix, celui des « nouveaux philosophes », nous a désorientés même si nous approuvions cette révolte contre le marxisme-léninisme peu ou prou stalinien. Il nous apparaissait superficiel dans la manifestation de sa pensée.
Cependant le jeune et brillant Bernard-Henri Lévy certes commettait une erreur impardonnable en jetant Marx avec le marxisme-léninisme. En quelque sorte il jetait l’enfant avec l’eau du bain. Mais son inlassable combat en faveur des démocraties occidentales me parait juste et je dois dire que je suis admiratif de la diplomatie parallèle qu’il a créée à lui seul en faveur des Bosniaques, des Libyens, des Ukrainiens, des Kurdes…
Mais depuis les années quatre-vingt il n’y a plus de grand mouvement d’idées en France. Pire il apparait qu’aujourd’hui, à la moitié des années dix du vingt-et-unième siècle, le penseur dominant en France est Michel Onfray que je n’ai pas lu, mais dont on me dit qu’il est misogyne, raciste, anti-sémite avec des amis juifs, bas du plafond, à un niveau incroyablement faible en philosophie.
Dois-je craindre, mon cher Guy, un déclin profond de la pensée française ?