Ce petit texte doit être pris comme l’amorce d’un roman que je n’écrirai jamais :
Sue était extraordinairement fière de sa licence d’allemand, en partie parce que personne dans sa famille de condition modeste n’était germanophone.
Sur les bancs de la faculté Sue fit la connaissance d’un jeune homme brillant et très homosexuel. Ils étaient tous les deux catholiques.
Ils montèrent à Paris. Sue vécut de petits boulots de secrétariat. Elle habitait un minuscule appartement en co-location avec une copine.
Dans un séminaire littéraire elle rencontra un jeune intellectuel voué à un succès éphémère. Elle lui confia rapidement qu’elle avait davantage d’estime spirituelle pour son homosexuel, étant tous deux disciples de Foucault. Elle lui dit également qu’elle avait rencontré un entrepreneur de pompes funèbres, « le seul homme à satisfaire deux femmes en même temps »
Sue rencontra des dirigeants de la célèbre maison d’édition « Les Entrées ». L’un d’eux la baisa dans son bureau, la battit, éclata en sanglots pour finir. Sue rêva de diriger une collection.
Elle se prostitua occasionnellement avec un voisin septuagénaire, très gentil.
Elle rencontra un séduisant fils de famille, enfant unique, qui s’était juré de ne jamais travailler. Ils se marièrent. L’argent des parents étant moindre que prévu, ils s’établirent dans la province de Sue.
Elle trouva un poste de secrétaire de direction. Elle eut elle-même une secrétaire. Heureusement car Sue était fière de ne rien comprendre à l’informatique.
Sue donna naissance à deux enfants, une fille et un garçon. Elle établit de bonnes relations avec le curé du patelin. L’ami homo et deux ou trois copines la visitaient régulièrement.
Elle entreprit d’écrire ses mémoires. Elle se jugeait toujours fine lettrée. Elle était heureuse.