J’habitais un village désormais peuplé de citadins. Au seul café-tabac du coin je remarque une petite fille debout, isolée. Un homme passe devant elle. Elle met ses mains devant son sexe, à la fois fière et honteuse, le regard baissé. D’après la sympathique tenancière, la petite a treize ans, elle vit seule avec sa mère. Je fais part de mes soupçons. Elle n’est pas surprise, elle incrimine un oncle, peintre sur verre. Peu après, elle me montre l’oncle en question, grand, gris, maigre, l’air absorbé. Trois ans plus tard, de retour dans ce faux village, je n’ai pas reconnu la petite fille dans une magnifique créature, très assurée d’elle-même. L’oncle, me dit-on, se laisse dépérir. Il ne vend plus ses peintures sur verre. Selon la tenancière, madame R., à peine vieillie, la belle jeune fille, interrogée par elle sur son passé, aurait dit : » je croyais que c’était pour faire plaisir ».
Comment madame R., la cafetière, sait-elle autant de choses ?