WS ***

J’ai vécu une histoire d’amour avec la poésie chinoise. C’est elle qui m’a enseigné la notion fondamentale de Tao, qui au milieu des astres et des éléments, au milieu de tout ce qui existe, rend possible un projet humain, ambitieux et modeste
Exister au beau milieu de l’enfer paradisiaque des choses.
Avec dignité, sans prétention excessive
A la fin de cette rencontre extraordinaire avec une autre culture, radicalement autre, extraordinairement humaine, étrangement misogyne, je voulais revenir à notre monde occidental.
D’instinct j’ai choisi les « sonnets » de Shakespeare comme contre-feu puissant et hautement estimable.
J’adore le grand Will, mais je n’avais jamais lu un seul de ses sonnets. Je suis un tantinet désarçonné. Au départ je m’attendais à une versification de type français, deux quatrains, deux tercets. Pour l’instant je ne sais toujours pas quoi dire d’intéressant.
De même que je ne suis ni Chinois, ni sinisant, ni sinologue, je ne suis ni Anglais, ni anglophone, ni angliciste…
Il me fallait absolument une traduction de recours et de secours. J’ai choisi celle de Fuzier dans la « Pléiade ». Elle s’éloigne du texte pour l’idéaliser. Là où Shakespeare dit « mort », Fuzier sera tenté par « trépas ».
C’est un point de vue estimable. Toute traduction a besoin d’une vision. La mienne est simple. Je suis pour un retour au texte sans tomber dans le mot à mot. J’ignore la versification anglaise (pentamètres…). J’irai plus loin : Shakespeare s’ingénie à compliquer la tache du traducteur.
Mais quelle est la beauté de la beauté ?
Régine me souffle à l’oreille : « Shakespeare, ce n’est pas toi… »