En sandales avec ma canne je longe la rivière
Le village n’est pas loin
Le vent est un peu fort il vient de l’est
Un rossignol débutant fredonne d’arbre en arbre
Son chant est curieusement râpeux
Le mur bas conserve des restes de neige
L’herbe a sa couleur jaune pâle
Je rencontre un vieux camarade
Nous discutons montagnes et ravins
je suis comme qui dirait oisif
Ma main soutient mon menton
J’ouvre un livre de Ryôkan
Le temps s’est légèrement adouci ce soir
Les fleurs des pruniers et mon humeur poétique
S’accordent en dansant
Depuis que ma famille m’a quitté
J’ai confié mes traces aux brumes et aux nuages
Je me mêle aux bûcherons et aux pêcheurs
Nous jouons ensemble les enfants et moi
La gloire des rois et des acteurs de cinéma ne m’attire pas
Je ne me sens pas capable de faire le clown devant une caméra
Je n’aspire pas davantage à l’immortalité
Immortalité immoralité
Eternité avec les cons
Partout où je me trouve je suis aussi à ma place
J’ai un copain il voudrait à tout prix
Vivre en haute montagne
Je préfère chevaucher les vagues marines
Qui se renouvellent chaque jour
Je vis libre avant le terme de mon existence
Décidément le temps se radoucit
Avec ma canne je suis toujours alerte
Je me promène dans le printemps
L’eau du rû coule aisément
La montagne a une forêt
Les oiseaux y gazouillent
Je cherche un camarade ou une copine
Je compte bien me reposer de mon absence d’aventures
Ma vie ressemble à une barque sans attaches au fil de l’eau