La nuit est froide dans la pièce vide
L’encens brûle les heures passent
Dehors les mille bambous
Sur le lit quelques livres
La lune se lève
La fenêtre s’illumine à moitié
Les insectes grésillent à qui mieux-mieux
Les voisins sont silencieux
Tous ces menus événements ensemble
Suscitent un sentiment confus et sans limites
Aucun mot ne l’exprime
La nuit est calme à trois jours du rendez-vous fixé
Ma canne à la main je franchis la porte
Je marche sans lampe allumée
Lianes et glycines sont entremêlées
Mon sentier est étrange bizarre
On dirait un intestin de mouton
Perchés sur leurs branches des oiseaux crient
Tout près de moi des singes hurlent
Je regarde au loin l’église-pagode de la vérité insondable
Elle est si haute qu’elle atteint le ciel
Les vieux pins ont grandi brusquement
Ils dépassent chacun les mille toises
La source froide produit aujourd’hui une eau glaciale
Le vent souffle sans cesse à rester céleste
Le disque rassurant et solitaire reste accroché dans le ciel immense
Serein je m’accoude à la haute balustrade venue de je ne sais où
Allègre je le suis comme une grue volant dans les nuages
Amicale et festive dans sa tribu ailée
Je regarde ma petite vie en arrière
Quatre vingts ans déjà
Je ne sais pas si j’ai eu raison ou tort
Le monde des humains est mon monde
Du moins le croyé-je
Peut-être suis-je pris dans un rêve ?
Le monde est-il immonde ?
Mon rêve est-il un cauchemar ?
Mon ermitage est dans la montagne
La pluie de printemps tombe sans discontinuer
Au milieu de la nuit elle ouvre la fenêtre
Ici tout est rustique