L’âme et l’intelligence primitives
Sont subtiles, difficiles à saisir
Leur forme matérielle n’a pas l’épaisseur d’un cheveu
Un jour un riche propriétaire décida de se livrer à une expérience
Déguisé en mendiant il se rendit chez son voisin le savetier
Qui ne le reconnut pas
Le savetier se mit à se plaindre de tout et de rien
Le visiteur lui demanda qui à son avis était heureux sur cette terre
Le savetier n’hésita pas : « Mon voisin le riche propriétaire
Il a une belle femme Plusieurs maîtresses, j’imagine ….
Il a trois automobiles de luxe deux superbes maisons de campagne
Etc… Etc… »
Le proprio’ enivra le savetier
Il le fit porter à son domicile
Quand le savetier se réveilla il était nu dans des draps de soie
Il avait été lavé et parfumé
Une servante à la belle poitrine lui demanda ce qu’il désirait pour le petit déjeuner
Sa femme passa en coup de vent et le prévint qu’elle ne serait pas là de toute la journée
Celle-ci se passa en obligations diverses qui mirent à mal le pauvre savetier
Il ne savait ni quoi faire ni quoi dire
La finance le dépassait complètement
Heureusement on acceptait sa signature qu’il remit au lendemain
Le soir au dîner solitaire il s’enivra
Il se réveilla le lendemain dans ses draps rêches
Il avait mal à la tête et ailleurs
Il ne savait guère où il était qui il était
Il se mit peu à peu à parler :
« Je ne dirai jamais plus qu’un riche propriétaire est le plus heureux des hommes
Sa femme ne l’aime pas
Ses proches le haïssent parce qu’ils sont ses obligés
Ses journées sont éreintantes et ennuyantes
Il a le fisc et une armée de débiteurs sur le dos
Il sera peut-être bientôt ruiné
Je comprends que je chante de bon coeur et que lui on le fasse chanter »
Le propriétaire fut content de cette expérience et ne la recommença pas Il refusa de prendre la place du savetier
Nous avons du mal à nous mettre à la place d’autrui
A tout prendre il vaut mieux avoir du bien qu’être nécessiteux
Tout est question de tempérament et de caractère
Qu’en est-il du fond des choses ? Qui désire voir l’âme est semblable à un aveugle qui lève les yeux la nuit pour découvrir les étoiles