PFR 55

Certains monstres sont bons
Purement et simplement bons
Ils s’assoient les yeux pleins de tendresse
Ils ne disent rien
Tout parle pour eux

Ils se réveilleront
Les pierres se grignotent ou se bécotent
C’est selon
Les forêts et les rochers se serrent et se resserrent
La distance perd la mesure
La sphère n’a pas de lieu fixe
Un oeil suffit pour bien faire

Les choses plongent
Les bras de l’arbre sont puissants
Mais ses feuilles ne sont pas des mains
Nous ne voyons pas le dedans des murs
Sauf effondrement

Voir apaise
Ou apaiserait si tu étais le maître de la foi
La fois où tout roule
Tu n’es pas le maître des foules
Passe entre les fleurs Regarde
Les insectes sont occupés

PFR 54

Mon cou est sans armure
Ma main a la gravité d’une veuve
Faut-il que ton coeur s’émeuve ?
Mes yeux seront morts demain
Nous battons la campagne en vain
Pose ton sourire de loup
Les étoiles fleurissent
L’herbe accueille la rosée
Il n’est pas question de mourir
La mort n’est pas le problème
Visite-moi viens mon ciel de rose
Nous n’avons pas fini de nous parler d’amour
Amour, viens sur ma bouche
Vole dans l’escalier
Petit et tournoyant
Traverse les murs
Marche au bord des toits
O ma frégate Tu atteins l’océan
Pas de mort Pas de condamné à mort

PFR 53

Un humain de sexe masculin
Fuyait les bas-fonds de sa vie
Armé de ses seuls couteaux d’aurore
Qui malheur sont coûteux
Il courait vers le soleil impuissant
Son coeur était fou d’ennui
Il ressentait la terre par la douleur de son corps
Je rétrécis
La terre est toujours dure à mes pieds

La porte bat sans fin
Une femme pose en éternité
La durée est brève ou longue
Sombre ou bleue
L’air nu est secret
L’ombre est invisible alors qu’on croit la voir
Mon escalier est profond
Les mots sont coupables non sans vertu
Je me promène à l’aise
Dans ce dédale de ciel dur et d’eaux muettes
La mer est un immeuble à étages

Je ne donne pas l’histoire
Le fil de l’histoire
Il n’y a pas de fil
Pas plus que d’histoire
Je n’existe pas
Et pourtant j’existe
Pour exister pourtant je vis
L’histoire se tresse avec des fils comme le mien
L’histoire est une tapisserie
Je ne suis rien qu’un fil
Je suis je
Je tiens à un fil
Cela ne suffit pas pour être humain
Le jeu du je n’est pas un jeu
Le dédale est multiple

PFR 52

Je t’attendais ainsi qu’on attendait les navires
Par grand temps de famine
Le temps a parfois une grosse voix
Mon pas brûlant s’en va
Je te porte volontiers sur mes épaules
La pluie est douce
Je n’ai d’abord vu en toi que la solitude
A mains de feuille à coeur de racine
C’était toi dans le clair de ma vie et de la tienne
C’était la condition pour qu’on se rencontre
Et qu’on se souvienne
Le tapage des oiseaux est matinal
Les astres se lèvent aussi
Nous allions tous deux enlacés de par les rues
Tu venais de loin derrière ton visage
Il est heureux que nos coeurs soient solides
Nos meubles renferment des cris d’oiseaux
La solitude a ses bonheurs

PFR 51

Dedans je suis dedans
Toi et le monde
Le sacré est sublime
Le sublime n’est pas sacré
Le brasier d’amour est acharné
Dans le ciel rageur
La mode est bleue de bleu
L’archange sourit
Le sommeil est le sacré
Du quotidien familier

Je suis un ruminant
Presque intelligent
Les nuits se souviennent des nuits
Je broute ma pitance
Je la digère plusieurs fois
Rien n’est pas noir Rien n’est rien
Le rien voudrait exister
De plein pied pour lui même
Le nouveau néant m’étrangle
Y-a-t-il plusieurs néants différents ?
L’ombre est-elle une matrice ?
Semence d’un cri d’un reflet d’une écume ?
De mollesse en mollesse
Le limon donne l’herbe
L’idée de feu est vide
Je ne peux la brouter

PFR 50

Seul avec moi en dehors de tout moi
On dit que je tiens debout par moi même
Ultime spasme délirant Hoquet
Sortons du labyrinthe

Le lasso pour prendre
La corde pour pendre
Tout ça n’est pas pour moi
Au milieu des fraîches étoiles

Vibre l’essence de l’ombre !
Acre et âpre est trop souvent le mot
Le dernier rire avant le tigre
Les libertés sont incrédules
Ne craignons pas le combat de trop

Par tel ou tel bout tout recommence
La nuit est aussi au fond des caves
Les astres dorment mal
L’espace n’est pas que sécheresse

Les jours oubliés cheminent toujours
Souviens-toi des coquilles d’autrefois
Les ruines sont heureuses
Les arbres ont leurs propres tempêtes

Les choses cachées remontent la pente
Une caverne n’est pas une plaie
En dépit des cicatrices
Tu as un beau visage

La relance se fait par le vent
Par l’alizé régulier
La mousson fait mieux
Ventre et vertu

PFR 49

La lumière peut être amicale
Elle l’est même assez souvent
Surtout pour ceux qui n’ont rien inventé
Sauf la terre à terre

il ne s’agit pas d’ériger une muraille
Qui ne protège personne ni rien
La terre est morte
Pour qui ne fait rien

La chair de la terre est rouge
Je te trouve tout autour de moi
La chair du ciel est bleue
Sauf par temps d’orage

Levez-vous orages délicieux
Je ne suis pas trop vieux
Je me suis souvent trompé
Sans rien faire

Je joue le jeu du monde
Mais sans personne à la ronde
La solitude n’est pas l’isolement
Moi je suis isolé
Je suis le seul à savoir que j’existe encore

Le monde a un feu sacré
Personne ne le sait
Le monde est un feu sacré
Tout le monde le sait

Le soleil est un serpent
Qui ne brille que d’un oeil
la mer est pouilleuse
Tant les îles sont nombreuses

Un coeur c’est la foudre apprivoisée
Il est des fleurs vampires
Elixir du feu central
Ni tigre ni abeille

Mangeons le poisson mangeant
Mon corps de galets
Se roule sur lui même
Les colombes dorment aussi

PFR 48

Il sont venus par amour des rythmes
Depuis la frénésie combien de moi
Sont morts Petits ou grands qu’importe
Je les ai mis à la porte

Frénésie de quoi ? des yeux ?
Ceci et ça ne suffit pas
Tout doit être frénétique
C’est ça le rythme

Je suis battu je suis vaincu
Dans le jour qui espère toujours
L’angoisse plane dans l’air
Avant de choisir sa proie

Des jardins sont seuls avec l’eau
Ils n’ont plus de pays
Des enfants les lisent assidument
Les colombes les traversent

Les grands désordres sont clairs
la lune est de cristal
N’oublions pas notre maison
Là où nous aimons

Les murs sont familiers des ombres
Nos eaux sont douillettes et pas douées
Le fer m’assombrit
Ce n’est pas grave disait mon père

La nuit est bien heureuse
De traverser les mondes
L’âge prend le repos pour une sève
Pas de chant mais la rosée brûlante de la mer
La tristesse éternelle des sources

PFR 47

Un mot résume tous les mots : lequel ?
Le temps vide tous les mots
De leur substance nacrée
Il escompte écrire des infinis finis

Le cobalt est verni sans avoir lui
Je possède un menhir loquace
un menhir sonore
Qui ne parle que de lui

C’est ça ou luire
Mes mots n’ont pas d’avenir
Je n’ai rien fait au cobalt
Le cobalt ne peut rien pour moi

Je sème ici la terre en un prélude
Que je trouve harmonieux
Pas besoin de cieux
Un coin de ciel suffit

Impurs et purs marchands
Dans l’espace éternel
Il n’y a pas d’espace perpétuel
La solitude n’a pas d’ennemi

Les mots sont gros de réponses
Qu’ils ne donnent pas
La terre objurgue
Tu n’es pas juge

PFR 46

Le silence Et puis les fruits du silence
Les destinées enfouies dans leur propre lumière
Le silence gonfle les nuages
Je crains surtout les nuages à peau grise et noire

Les couchants sont indicibles
Les mots qu’on ne prononce pas
Font éclater le ciel
Le ruisseau lave les blessures

Je suis pris à la gorge
Je ne sais pas ce qui s’agite sur moi
Le vent s’apaise
Toute forme s’épuise

Des bateaux en gémissant saluent la houle
Les navires enchaînés saluent les vagues
Par bonheur tout reste flou et fou
Même l’écume de la rage

Nous tous maudissons nos chaînes
Les tombeaux s’ouvrirent
La pierre devint mer
J’ai maudit la mer