PCA 46 WW

La pluie nouvelle déjà automnale
Apporte la fraîcheur du soir sur la montagne
Au dessus des pins la lune baigne
Dans la vapeur verte
Le torrent écumeux roule les cailloux
Le chant des lavandières s’éteint
Dans le bocage de bambous
Un essaim de nénuphars blancs
S’incline devant la barque du pêcheur
Un suave parfum de printemps
Léger fugitif
Enchante encore les berges

Descends de cheval Bois ce verre de vin
Où t’en vas tu ?
Fatigué par le monde je m’en retourne
Me reposer du côté de la montagne du sud
Va va donc je ne poserai plus de questions
Les nuages blancs sans fin ….

A mi-chemin de ma vie mon coeur
Non mon esprit mon coeur
A découvert la sagesse
Plus tard au soir de ma vie
J’ai bâti ma maison au pied de la montagne
Quand l’envie me saisit je vagabonde sur ses flancs
J’y trouve des beautés que personne ne connaît
Parfois je grimpe à la source du torrent
Je m’assois dans les herbes
Je regarde les nuages au dessus de l’horizon
je croise par hasard un vieux bûcheron
Nous bavardons nous rions
Nous en oublions de rentrer

PCA 45 WW

La montagne déserte Je n’y vois personne
A peine me parviennent les échos de voix lointaines
Un dernier rai de soleil
Perce la forêt profonde
Un éclat de lumière luit
Sur la mousse verte

A peine a-t-il plongé au milieu des lotus rouges
Qu’il émerge déjà et vole vers les eaux peu profondes de la rive
Seul debout il lisse ses plumes ruisselantes
Et maintenant le voilà poisson au bec
Sur une branche à la dérive qui s’éloigne

Merveilleux repos !
Avec quelle douceur les fleurs odorantes
Se déposent sur mes cheveux !
Le bleu des monts déserts
Amplifie la quiétude de la nuit
La lune surgit du dédale des nuages
Elle réveille l’oiseau qui gazouille parfois
Au dessus du torrent

PCA 44 Wang Wei

Dans la forêt des bambous
Il n’y a jamais personne
Je suis seul dans les bambous
Je joue du luth
Ou bien je siffle une chanson inconnue
Qui sait où je suis dans la mystérieuse forêt ?
La lueur de la lune m’effleure

La lune d’automne se lève au dessus de la brume légère
Sa robe est humide de rosée
Toute la nuit sans se changer
Elle pince les cordes argentées de son luth
De peur de retrouver sa chambre vide

Vous arrivez tout juste de mon pays natal
Vous savez sûrement ce qui s’y passe
S’il vous plaît au moment des adieux
Le petit prunier d’hiver
Sous la fenêtre voilée de soie
Etait-il en fleurs ?

PCA 43

J’abreuve mon cheval
Dans l’eau de l’automne
Le fleuve est froid
La bise coupe comme une lame
Le soleil s’attarde
Sur la plaine aride
La forteresse s’estompe dans le crépuscule
Jadis des batailles acharnées
Grondaient là au pied des murailles
On ne parlait que la gloire des guerriers
Durant des siècles la poussière jaune s’est accumulée
Parmi les rares herbes du désert
Des ossements blancs

PCA 42

La dame dans sa chambre
Ne souffre pas de solitude
Par un jour de printemps
Parée de soie blanche
Elle monte en haut de la tour de jade
Elle redescend vers les pousses tendres des saules
Tout ondoie dans la brise
Mais elle regrette que pour elle
Son mari s’épuise au loin
A la conquête des honneurs

PCA 41

La barque ralentit
S’arrête dans la brume légère de la rive
Le soleil tombe derrière l’horizon
La nostalgie m’étreint à nouveau le coeur
La plaine désolée le ciel illimité
Une simple rangée d’arbres nus
C’est dans la rivière limpide
Que la lune s’approche
Au plus près de l’humain

PCA 40

Dans les coupes de jade blanc
Nous buvons du vin de raisin
D’un trait car le clairon
Nous appelle aux armes
A tout moment
L’un de nous tombe effaré sur le sable
Ne vous moquez pas de lui
Car combien de ceux qui sont partis à la guerre
En sont revenus ?

C’est le printemps
Je dors insouciant de l’aube
J’entends de toutes parts
Le chant des oiseaux
Hier soir nous avions le bruit du vent et de la pluie
Les fleurs sont tombées
Combien ?

PCA 39

De la mer sombre et calme
Le clair de lune surgit
A l’autre bout du ciel
Chez toi il s’épanouit
Les nuits solitaires
Sont bien longues
Quand on aime
Mon coeur se languit de désir
Jusqu’à l’aurore
Je suis inondé de lumière
J’éteins la chandelle
Je suis transi de rosée
Je me mets au lit
Mes mains sont vides
Sans mesure
Le sommeil va venir
Pour nous réunir

PCA 38

Depuis que tu m’as quittée
Je tente en vain de démêler
Une pelote de fils emmêlés
Depuis que tu m’as quittée
je suis la lune pleine
Et son déclin
Nuit après nuit
Je décrois et peu à peu m’éteins

PCA 37

J’ai quitté ma maison
J’étais enfant
J’y suis revenu
Je suis un vieillard
J’ai gardé mon accent
Mes tempes sont d’ombre grise
Nul ne me reconnaît
Des enfants me sourient :
« D’où es-tu, étranger ? »