PCA 26

Tu répands de l’eau sur le sol
D’elle-même elle trouve son chemin
Aux quatre points cardinaux
L’est et l’ouest le sud et le nord
De même la vie humaine
Suit sa destinée
Sans que rien ne soit écrit à l’avance
Pourquoi geindre en marche, au repos ?
Verse-toi du vin pour te consoler
Lève ton gobelet sans chanter
Mais mon coeur n’est pas de pierre
Il n’est pas sans sentiments
Indécis je ravale mes soupirs
Je n’ose plus rien dire

PCA 25

Une inconnue
Mais belle
Baigne ses pieds blancs
Dans les eaux claires
De notre source
La lune lointaine
Taciturne
Traverse le ciel
Sans rien révéler
De son mystère

PCA 24

Dans la haie brillent des fleurs nouvelles
Dans l’eau claire se jouent des poissons agiles
Tout joyeux je lance ma canne
La bien nommée : à pêche
De toutes façons
Avec ou sans poisson
Je suis content

PCA 23

Une montagne considérable
Un lac clair
Du sable pur
Un bouquet de sapins
Des eaux qui roulent
Des arbres vigoureux
Je dessine un poème
Sorti de ma rêverie
Je perds la nostalgie

PCA 22

Ma maison est proche de la route
Je n’entends guère le grincement des chars
Ni le piaffement des chevaux
Comment est-ce possible ?
Si le coeur est ailleurs
Tout lieu est une retraite

Je cueille des chrysanthèmes
A la haie de l’est
Je me laisse captiver
Par le jeu des ombres et des lumières
Au crépuscule
Sur la montagne du sud
Les oiseaux reviennent vers leur nid
Deux par deux
Aile contre aile
Je devine qu’au milieu de ces choses
Est le sens vrai de la vie
Mais où trouver les mots
Pour le dire ?

PCA 21

Mes tempes sont grises et blanches
Mes muscles sont ramollis
Ma peau est toute ridée
A quoi bon avoir cinq fils
Si nul d’entre eux n’aime
Le crayon ni le papier ?

Seize ans sont sans égal en paresse
Quinze ans font de leur mieux
Mais sont nuls en écriture
Les jumeaux de treize ans
Ne distinguent pas six de sept
Neuf ans ne fait que se gaver
De poires et de châtaignes
Tout va bien en quelque sorte !
Vidons une coupe de vin !

PCA 20

Je rentre chez moi déçu par le monde
Ma canne pour seule compagne
Le sentier zigzague entre les broussailles
Je patauge dans l’eau claire du ruisselet
Issu de la montagne
Je lave ainsi mes pieds
Je remplis la cruche de vin nouveau
je rôtis un poulet et j’appelle les voisins
Quand le soleil touche l’horizon
Et que s’étend le clair-obscur
Nous allumons les bûches
Qui nous servent de bougies
Nous sommes si joyeux
Que la nuit passe trop vite
Le ciel pâlit mais d’aube point

PCA 19

J’étais jeune
La foule ne m’attirait guère
Ma nature immature
S’accordait avec les monts et les collines
Le monde m’a tendu un filet
J’y ai passé trente ans
Captif l’oiseau rêve
De sa forêt natale
Dans la mare un poisson
Ne peut s’empêcher de penser
A la fraîcheur des profondeurs
J’arrache des broussailles
Sur la pente du sud
Je rentre la tête claire au logis
Mes champs l’entourent
A trois pas d’un hameau
De quelques chaumières
D’où montent de minces colonnes de fumée
Ma cour est ombragée
Par quelques aulnes et quelques saules
Des pêchers et des pruniers font de même
Pour l’entrée principale
Un chien aboie quelque part
Au fond d’un chemin
Des coqs chantent
Perchés sur les mûriers
Les pièces spacieuses de ma demeure
Ne recèlent aucune trace de poussière
La paix y règne bienfaisante
J’ai longtemps souffert prisonnier d’une cage
Je me suis rendu à la nature
je me réjouis du calme et de ma liberté
Je suis vieux

PCA 18

Il chemine à cheval
Il n’a pas pris sa cravache
Il recule et récolte
Une petite branche de saule
Il en fait une flûte
Il entonne une chanson triste
A en mourir

Je voudrais tant que notre vie dure
Le temps de nos amours
Sans chavirer ni même s’affaiblir
Lorsque les monts s’aplaniront en plaines
Que les fleuves se tariront
Que les saisons disparaîtront
Que la terre se mariera au ciel
Alors seulement nous deux
Nous pourrons nous séparer

Un poisson petit pleure
Dans un ruisseau desséché
Il regrette d’avoir été trop loin
Il voudrait avertir les siens
Des dangers qui les guettent
Dans les eaux peu profondes

Une porte ouverte
Donne sur l’eau verte et claire
A quelques pas du pont
Une fille dort là seule
Sans époux sans parent

Un grondement de tonnerre
Mon coeur bondit
Je tends l’oreille
Ce n’est rien

PCA 17

Le coucou chante
Dans le bocage des bambous
Les fleurs des cerisiers
Jonchent les allées du jardin
La fille marche au clair de lune
Elle laisse traîner sa jupe soyeuse
Sur les hautes herbes

Au soleil couchant je sors devant la porte
Je vois passer la charmante fille
Au visage empli de douceur
Le long de la joue une mèche
Un parfum léger flotte autour de nous

Les fleurs du printemps
Sont pour moi un enchantement
Comme les oiseaux du printemps
La brise de printemps
Soulève tendrement
L’ourlet de ma robe soyeuse

Par une nuit sans sommeil
La lune était éclatante
Etait-ce un appel au loin ?
Mais au ciel vide je réponds :
« Viens ! »