Je pense à celle qui est partie
Au delà de la grande mer
Quel cadeau pour l’étrangère ?
Une paire de perles
Sur l’épingle d’écaille
Incrustée de jade ?
On me dit que son coeur me trahit
Je brûle le temps présent !
Le vent disperse la cendre fine
Nous n’échangerons plus nos pensées
Les cris des coqs se mêlent
Aux aboiements des chiens
Mon frère aîné et sa femme
Apprendront assez tôt la nouvelle
Tristement sifflera la bise matinale
Quand le jour poindra ils sauront tout
PCA 15
La rosée matinale
Sur les feuilles variées
S’efface vite
Après le lever du soleil
Elle renaîtra demain
Dès potron-minet
L’humain qui meurt
S’en va sans espoir de retour
PCA 14 Têtes blanches
Nos amours étaient pures
Comme la neige sur la montagne
L’éclat de la lune
Dans le champ des nuages
Je viens d’apprendre
Que ton coeur est ailleurs
Voilà pourquoi je viens
Te faire mes adieux
Ce soir nous buvons
Le dernier verre du même vin
A l’aube nous marcherons sur la digue
Longeant la rivière
Les eaux se séparent
La jeune mariée pleure
Sa poitrine se soulève
Comme un tremblement de terre
Elle a peur de ne pas avoir trouvé
Le coeur qui l’aimera encore
Lorsque ses cheveux blanchiront
PCA 13
J’avais douze ans
Je partis à la guerre
J’en ai quatre-vingt
Je reviens au village
A un vieillard de mon âge
J’osais demander
Des nouvelles des miens
« Là-bas comme toujours
Tu retrouveras ta hutte »
Les tombes solitaires
S’alignent dans l’ombre
Des cyprès et des ifs
Des lapins bondissent
Les faisans effrayés
S’envolent des combles
Du riz sauvage pousse
Au fond de la cour
Et près du puits
Quelques touffes de légumes
J’écrase des graines
Je fais du riz blanc
Je cueille des feuilles de chou
Je prépare une soupe
Le riz et la soupe sont prêts
Avec qui les partager ?
Je guette en vain
Je suis imprégné de larmes
PCA 12 Chanson triste
Au lieu des larmes
Entonnons une chanson triste
Au lieu du retour
Regardons vers l’horizon
Je pense à mon pays
Et le chagrin m’étouffe
Retourner chez moi ?
Personne ne m’attend
Traverser la rivière ?
Je n’ai pas de barque
Parler de mon chagrin ?
Je n’ai pas les mots
Dans ma poitrine
Les roues de mon coeur
Comme celles d’un char
Tournent sans fin
PCA 11
Ceux qui s’en sont allés
S’éloignent un peu plus chaque jour
Ceux qui s’en vont venir
Se rapprochent un peu plus chaque jour
On regarde depuis la porte de la ville
Les collines alentour
Sont semées de tertres et de sépultures
Les grandes tombes anciennes
Ont été labourées et converties en champs
Les cyprès et les pins qui les ombrageaient
Ont été réduits à du bois de chauffage
Plus loin dans la tête des peupliers
Le vent est plaintif
Il hurle pour ceux qui sont morts à la guerre
Ils pensaient ardemment au retour à la patrie
Ils n’ont pas trouvé le chemin
PCA 10
Vertes si vertes
Sont les herbes
Du bord du fleuve
Les saules denses
S’enlacent tendrement
Une dame à la fleur de son âge
Gracieusement fardée
Le visage d’une blancheur rayonnante
Apparaît à sa fenêtre
Elle s’approche de sa porte
Salue d’une main délicate
Elle fut courtisane en sa jeunesse
Elle est l’épouse d’un homme
Qui court le monde
Et la laisse à la merci
De la solitude d’un lit vide
PCA 9
La bande de nuages
Passe sans fin
Faute d’être un passager
Soyons un messager
Rien ne s’arrête
Aucun signe de ton retour
Mon miroir de bronze vert
A perdu son éclat
Pourquoi le polir ?
Mes pensées pour toi
Sont les eaux d’un fleuve
Qui coule sans trêve
Qui ne s’épuise jamais
PCA 8 Eventail
Avec la soie fine
Brillante comme givre
Pure comme neige
J’ai fait un éventail
Voltigeant joyeux
Rond comme la lune
Que ta brise légère le rafraîchisse
Mais quand le vent chassera l’été
Il te jettera au fond d’un tiroir
Malheureux symbole
Des inconstances de l’amour
PCA 7 Dernière chanson
J’abattais les montagnes
J’embrassais le monde
Les mauvais jours sont là
Mon cheval bai c’est moi
Il refuse d’avancer
Il n’avance pas
Que vas-tu devenir
Amour qui est le mien ?