MLB 3

A quelque mérite l’humain qui veut soigner quiconque d’un bobo
Certains veulent guérir l’humanité de tous ses maux

La vie humaine, c’est des mots et des maux
Moi je suis un mot et toi un mal

Qui est aussi généreux qu’une mère ?
La mère et le père sont le couple fondateur

Personne ne forme tant de désirs pour lui-même
Comment le ferait-il pour autrui ?

Comment et pourquoi nait la perle des êtres ?
Les autres ne sont pas intéressés par le bien d’autrui

Source de la joie, connais-tu ton mérite ?
Diamant spirituel contente-toi d’être un remède

Un souhait pour le bien du monde vaut mieux que toute adoration
Il est bien d’y joindre la générosité

Les humains se jettent dans la souffrance pour échapper à la souffrance
Par amour du bonheur ils détruisent leur bonheur

Les humains sont torturés et se torturent de mille façons
N’est pas né qui les sauvera

Personne ne se rassasie de tous les bonheurs
La joie permet à d’autres d’être joyeux

MLB 2

L’humanité forme une gigantesque caravane
Elle passe par les marchés que sont nos destinées

Le bananier dit-on s’épuise à donner ses fruits
La pensée est un arbre éternel

Un criminel peut s’appuyer sur la sagesse
Il faut se réfugier en elle

La sagesse est un incendie de fin du monde
Elle consume et se consume

La grande pensée est double
Elle est départ, elle est arrivée

Autrement dit elle est volonté de départ
Et elle est en route

Le voeu de départ porte ses fruits
Le chemin est méritoire

J’apprécie le baiser de l’esprit
L’esprit embrasse la pensée

La pensée cherche à délivrer la masse illimitée des existences
Endormie ou dissipée, la pensée singe l’infini de l’espace

Je le maintiens, l’idéal est supérieur à la réalité
Beaucoup d’êtres n’ont qu’un idéal de bas étage

MLB 1

Je vous salue respectueusement
Je vais vous exposer quelques éléments d’une recherche spirituelle

Je n’ai rien à dire qui n’ait été dit auparavant
Je ne suis pas un écrivain né

Je cherche à nourrir le courant de recherche sans fanatisme, avec fantasmes
Une nouvelle piété sans religion

La plénitude du moment est inatteignable
Atteinte elle comblerait l’humain

Cette nuit les nuages obscurcissent les ténèbres
Mais un éclair brille de temps en temps

Le bien n’a pas de force
La force du mal est grande et terrible

Il convient de méditer ensemble pendant des siècles
Le fleuve des êtres débordera de joie

La vie est pleine de souffrances
Elle atteint parfois le bonheur

Nous sommes des malheureux enchaînés dans la prison des existences
Notre but serait d’être vénérable et sage

Notre corps est une effigie impure
Nous pouvons en faire un diamant, un élixir

FCA 21 et fin *

Je bois tous les jours
En souvenir de l’ami en voyage

La pluie nouvelle tombe sur la montagne déserte
La fraicheur remplit l’air du soir

Il est rare que des vautours ressemblent à des nuages
Nulle trace de sentier dans la vieille forêt

Sur le tard je n’aime que la quiétude
Loin de mon esprit la vanité des choses

il me reste la joie ancienne
De hanter la forêt de mes rêves

L’ultime vérité ?
Un chant de pêcheur dans les roseaux s’éloigne

Mon long sommeil ignore l’aurore
Les pétales tombent

J’amarre la barque dans la brume
Le ciel s’abaisse vers les arbres

Dans ma poitrine bat un coeur droit
La rame de ma barque frôle les îlots

Dans la pudeur silencieuse
Que de regards sont échangés !

J’envie ton vin au milieu des fleurs
Les papillons qui voltigent dans ton rêve *

* Cette série est aussi un hommage à François Cheng, le grand introducteur de la poésie chinoise en langue française. Le livre ici utilisé est : « Entre source et nuage », Voix de poètes dans la Chine d’hier et d’aujourd’hui, Albin Michel

FCA 20

Le papillon de nuit est mort auprès de la bougie
La bougie meurt au coeur du vent

Ah ! Faire de soi un phare !
Je parle aux roses qui pleurent

Ma solitude réside au fond de tes yeux
Nous attendons l’aube

Rochers blancs feuilles rouges
L’azur vide mouille mes habits

Repos de l’humain Chute des fleurs
Montagne déserte

Poisson au bec il fait une halte
Il flotte seul sur une branche

Pas un instant pour se retourner sauf un
La montagne grise et verte est entourée du nuage blanc

Les nuages blancs n’en font plus qu’un
Le doux rayon vert s’efface

Je rêve sans souci du retour
L’hirondelle reconnait son nid

FCA 19

Je me sens plus âgé que la montagne
Je ne veux pas mourir de rancoeur

La vieille terre est une bête sauvage
Elle lappe le sang des jeunes

La kyrielle des boutons de fleurs
Brode le sud du fleuve

J’ai la voix rauque ça ne me gène pas pour chanter
Les tombes sont hors la ville

Mes plumes d’oiseau se décomposent dans le sol
Je ne peux plus voler

Je suis heureux tout le temps
Ou presque

J’ai trop aimé la terre ses prés ses champs
Ses forêts

Je me faufile sans fausse pudeur
Je ne suis pas chasseur

Le miroir ne ment pas
Sauf quand il est cassé en morceaux

Les cadavres pourris deviennent feux follets
Tu avances Ils s’envolent

Nous hantons la plaine sauvage
Le poisson fossile ne nage pas

Je lisais dans les coeurs
Mais pas dans les âmes

L’escargot rentre dans sa coquille
Il me prend mon nom

FCA 18

Je chasse le chien affamé
Je ramasse un nouveau-né

Où allez-vous ?
La route est sans fin chargée de vent de sable

Les grenades rouges éclatent au sol
En étoiles

Etoiles du paon étoiles des liserons
Le merveilleux est proche

La mer n’avale pas les perles
Leur destin n’est pas vil

L’ombre m’écartèle sans me lâcher
Le tonnerre est l’éclat de rire du géant

L’averse est les larmes du géant
Le vent a des pas confus

Je suis passé par les vents et les orages
A ton tour maintenant

Je vois les nuages sur l’étang
je suis assis sur l’herbe matinale

Les vagues blanches rongent les rochers
Propagent de tragiques nouvelles

Les vagues sont déraisonnables
Qu’est-ce-qu’elles sont belles !

J’entends des vrombissements
Je ne fends pas la houle

La montagne se réveille
Une roue de feu la surplombe

Le soleil roule vers moi
Les vers rentrent sous terre

FCA 17

La rose aurore commence sa toilette
Les oiseaux quittent le bois brumeux

Les buffles lourds entraînent le paysan dans sa rizière
Ils tracent dans l’eau des sillons noirs

Mon corps s’enveloppe de souffle froid
J’attends un dénouement

La nature est plus grave que moi
La montagne recèle une mélodie

Au puits un vieillard
Remplit son seau de clair de lune

J’ai un copain qui s’abîme dans l’ombre sur son coussin
Il est pareil à un frais champignon qui se rétracte

La nuit se repose le jour
Je ne l’entends plus muette mélodie

La mer se calme au creux du port
La nuit est riche d’étrange musique

Nous marchons à travers les bruits de la ville
Nous nous tenons par la main

La mémoire est un lac
Ta voix est dans l’ombre

Mes arbres sont des nuages
Ces nuages sont-ils sages ?

Le fleuve sans rivage
Emporte ce qu’il touche

FCA 16

La justice du monde est cruelle
Est-ce bien une justice ?

L’amant de la mer
Nous toise d’un air sévère

Ne nous courbons pas sous le poids du temps
Ombreux et ombrageux notre chant s’élève

Tout manifeste tout
Puis retourne au rien

Nous vivons figés dans des formes creuses
Nos rêves sont plus réels que le réel

Nos pensées fluides comme l’eau
Sont déjà mortes

Nous foulons les soleils au pied
Notre plus riche néant chante

Nous sommes au centre de ce qui nous échappe
Le glauque de la mer et l’azur du ciel

Nous sommes là Pourquoi faire ?
Où doit-on aller dans la forêt ?

Les rizières sont des miroirs
Les oiseaux s’y mirent en beauté

FCA 15

Quelque chose s’attarde ici
Vieux comme le temps

Ce presque rien meut le paysage
Et m’émeut le coeur une fois

Qui coule depuis l’origine
Et puis s’endort ?

La force forme l’espoir
Et le désespoir

Seul notre passage donne forme
Aux arbres et aux rochers

Plus je t’aime plus je me métamorphose
Le hasard joue son rôle nécessaire

Tous les hasards prennent forme en notre sein
Un seul rayon de soleil nous réjouit tous

Chaque feuille a sa chute
L’arbre reverdira

La vieille racine tronc branchage
Ne se souvient de rien

Frayeurs à fleur de peau
Larmes rires mêlés

L’image est courte de toute destinée
Pourquoi sommes nous tous nés ?

La justice du monde
Exige notre dureté voire notre cruauté