Rab 53

J’ai embrassé le monde
Avec ma bouche d’abord
Avec mes yeux
Devenu serpent je me suis enroulé
Autour du coeur de ce monde

J’ai versé sur le monde
De jour et de nuit
Tant de pensées attentives
Que le monde et ma vie
Ne font plus qu’un

J’aime la vie
J’adore ma vie
Il faut dire que j’abrite
La joie du ciel
Elle est toute en moi

J’aime le monde
Pourtant je le quitte
Y-a-t-il un sens aux rencontres
Ou aux séparations de l’existence ?

Si l’amour était déçu par la mort
La déception rongerait toute chose comme un ver
Les étoiles se faneraient
Jusqu’à devenir obscures

Rab 52

Quelle est l’harmonie qui berce le monde ?
J’apprécie le rythme J’aime la cadence
Notre joie éclate quand la belle harmonie atteint les cimes
Nous tremblons de frayeur lorsqu’elle retourne dans les ténèbres
Pourtant la musique est la même
Qui vient et qui s’en va
Dans la cadence de l’harmonie éternelle

Tu caches un trésor dans la paume de tes mains
Certains crient que tu les as volés
Tu ouvres les mains L’oiseau s’envole
Tu fermes et tu ouvres les mains
Selon ta volonté
Le gain et la perte sont équivalents
Tu ne joues qu’à un seul jeu :
Avec toi-même
Tu perds et tu gagnes à la fois

Rab 51

Au soir obscur d’un jour quelconque
Le soleil me dira adieu
Les bergers joueront de leurs flutes
En haut des pâturages
Les troupeaux descendront jusqu’à la rivière
Mes jours tomberont dans la nuit

Je répète mon ardente prière
J’aurais aimé savoir pourquoi
La terre m’a pris dans ses bras
Mais aussi pourquoi le silence nocturne
Fait plaisir aux étoiles
Et surtout pourquoi la lumière des jours
A accouché de mes fleurs de pensée ?

Avant que nous partions que nous nous séparions
Puissé-je m’attarder sur le dernier refrain ?
J’aurais aimé achever la mélodie
J’aurais préféré que la lampe soit allumée
Pour apercevoir ton beau visage
Mon caprice : Te couronner
De guirlandes tressées

Rab 50

L’éclair fut un instant
Eblouissant il me montra
Ce qu’on appelle la création
Que personne n’a créée
Moi-même je dispose de la vie
Création à travers les morts
De monde en monde

Je gémis sur mon peu de dignité
Mes heures sont insignifiantes
Mais quand je te vois tenir ma vie entre tes mains
Je sais qu’elle t’est trop précieuse
Pour être dispersée
Seule parmi les ombres

Rab 49

La peine fut grande
Pour accorder nos instruments
Mais la beauté de la musique nous réconcilia
J’en oubliai ma peine

Rends-moi sensible à la beauté
Les jours sont sans pitié
Pourtant tu agissais et tu agis

La nuit déclinante
Demande à prendre congé en chantant
Répands-toi sur les cordes
Ta musique descend des étoiles

Rab 48

Femme o ma femme mon épouse
Apporte ordre et beauté
Dans ma vie désespérée
Comme si tu étais encore vivante

Balaie les fragments tombés par terre
Balaie la poussière
Remplis le vide
Répare les dégâts de ma négligence

Ouvre la porte intérieure de ta maison
De ton tabernacle
Allume ta lampe unique
Et là devant la solitude à deux
Couche-toi et réfléchis
Marche et médite

Rab 47

Les lettres sont anciennes
Cachées dans un tiroir
Avec elles ma mémoire aime jouer
Elle a tenté de dérober
Au temps ces brimborions
Personne ne les réclame
Ils sont toujours là
A plaisanter gratuitement
Il existe un amour dans cet autre monde
Pour vous sauver du néant complet et total
Comme un autre sauva ces lettres
Précieusement méticuleusement

Rab 46

Le temps où je pouvais rendre tes bienfaits
Est terminé
Ta nuit a créé ton matin
A toi la gratitude !
C’est à toi désormais que j’apporte
Mes joyeux présents

Je viens à toi
Pardonne les peines et les offenses
Je dépose les fleurs d’un amour
Elles ne sont plus des boutons
Mais on attend toujours
Que ces fleurs s’ouvrent complètement

Rab 45

Ma nuit s’est écoulée
Sans bruit et sans souffrance
Sur ma couche de douleur
Eh oui ! Mon coeur alourdi
Ne rencontrera pas le matin
Brillant de toutes ses joies

Tire le rideau sur la lumière trop nue
Evite-moi la danse de la vie
Que la douce obscurité
Me couvre de son manteau !
Que je sois protégé de ce monde
Qui m’oppresse et m’opprime !

Rab 44

Le jour se tenait entre toi et moi
Il nous fit un signe d’adieu
La nuit comme un voile
S’étendit sur les visages
Eteignit la seule lampe allumée
Ton sombre serviteur entre sans bruit
Il étend un tapis rouge
Tu t’allonges sans méfiance
Nous sommes seuls tous les deux
Dans le calme silence
Qui préside au monde
Jusqu’à ce que la nuit s’achève