Rab 33

Je suis sculptrice
J’ai taillé dans la pierre
Une image de toi
Propre à être adorée
Par des humains déboussolés
Désemparés
De plus j’ai apporté les cendres de mes désirs
Mes illusions mes rêves
Tu es sculpteur
Je t’ai prié de tailler une image de moi vivant
Jaillissant de ton âme avec amour
Tu es feu et force
Vérité amour et paix

Rab 32

Un roi inconnu par des soldats
Me réclama l’impôt
Je me suis caché
Je me suis enfui plus loin que les travaux des jours
Que les rêves de mes nuits
J’ai enfin compris que personne ne me connaît
Que rien ne m’appartient même pas moi
Je me suis livré aux soldats
J’ai travaillé accumulé quelques biens
Que j’ai donnés aux soldats et au roi
Qui est enfin mon roi

Rab 31

La disette accablait un village
Il n’y avait plus ni vilains ni sages
Un avare regretta de ne pas avoir assez d’argent
Un soldat de ne pas être assez fort
Un paysan de ne posséder que des champs desséchés
La mendiante fille de mendiante
Se leva et dit :
« Je vais nourrir ces pauvres gens »
Le choeur : « Comment ? »
« Je vais visiter chacun d’entre vous »

Rab 30

Un sourire joyeux illumina les cieux
Tu revêtis mon âme de haillons
Tu l’envoyas mendier le long des routes
Elle s’en allait de porte en porte
Elle remplissait son écuelle
Qui souvent lui fut dérobée

A la fin d’une journée fatigante
Mon âme arriva à la porte de ton palais
Toujours exhibant sa misérable écuelle
TU SORTIS de ton château
Tu pris l’âme par la main
La fis asseoir à tes côtés
Lui donnas un baiser sur le front

Rab 29

Tu m’as placé délibérément au rang des vaincus
Je sais que tel est souvent le cas
Il ne m’appartient pas de vaincre
Ni même d’abandonner la lutte
C’est décidé Je plonge dans l’abîme
Je touche le fond
Je me dépouille de tout
Je vais tout récupérer

Rab 28

J’étais le mendiant officiel de ta famille
Jour après jour je m’agenouillai à votre porte
Les mains suppliantes
Vous me donniez et vous me donniez encore
Toi le premier
Vous m’avez donné à peu près tout ce qu’il y a au monde
Moi je triai et je triai encore
Je préférais les jouets que je pouvais casser
La montagne de vos cadeaux neufs ou cassés m’a caché à ta vue
J’ai brisé mon écuelle de mendiant
Soulève-moi au-dessus de l’amas de cadeaux
Emmène-moi jusqu’à l’immensité déserte
Où j’apprécierai ta présence solitaire

Rab 27

Un type ordinaire rêvassait
Au bord de la rivière
Un vieillard en haillons
Se présenta à lui sans mot dire
Le type dit : « Laisse-moi je n’ai plus rien »
Le vieux : « Et tes chaussures en faux croco ? »
Sa voix était curieusement éraillée
Le type : « J’oubliais J’ai une pierre à t’offrir
Fais gaffe elle est sans prix »
Là-dessus il se leva et s’en alla
Le vieux s’assit par terre et se prit à songer
Il tripotait le caillou plat gris sans intérêt
« Qu’a dit le mec ? Dénué de prix ou hors de prix ? »
Furieux il se dressa et jeta dans la rivière
La pierre sans prix

Rab 26

Le mendiant qui loge en moi
Elève ses mains amaigries
Vers le ciel sans étoiles
Et hurle dans la nuit
Son appel affamé

Ses prières s’envolent
Dans l’obscurité aveugle
Tel un dieu déchu il se tient
Devant un ciel désolé
Peuplé des espoirs morts

La plainte du désir se mourait
Au bord de l’abîme de désespoir
Un oiseau gémissant tournoyait
Autour du nid dévasté

Le matin s’éveille autour du rivage
Le mendiant qui est en moi s’écrie :
« Béni je suis, la lourde nuit me renie »
Il se met à chanter :
« Que sont précieuses la vie la lumière !
Qu’est précieuse aussi la pure joie
Qui connait enfin sa vérité ! »

Rab 25

Un oiseau chante le nuit Son chant est délicieux
Un oiseau chante le jour Son chant est mécanique
L’oiseau du matin chante
Comment un petit oiseau peut-il savoir
Que l’aurore va poindre
Alors que les dragons de la nuit
Enlacent encore les cieux
De leurs replis noirs et glacés ?

Comment le petit oiseau du matin
Au travers des nuits du ciel et des arbres
Trouve son chemin plein de rêves
Jusqu’aux tiens qui viennent de loin ?
Est-il le messager qui surgit ?
Personne ne t’a cru quand tu as crié :
« Il vient il vient le soleil
Et la nuit est morte
Morte et enterrée »
Dormeur éveille-toi
Découvre le front de ta tête
Que le premier rayon de lumière
Y dépose un baiser
Aujourd’hui en pleine ferveur
Tu chantes avec le joyeux oiseau du matin

Rab 24

Noire est la nuit et profond ton sommeil
Dans le silence de mon âme
La douleur d’amour s’éveille
Car je ne sais pas ouvrir la porte
Je me tiens seul dehors

Recueillies sont les heures
Les étoiles veillent sur le ciel
Le vent se tait pour de bon
Dans mon âme lourd est le silence
Eveille-Toi Réveille-toi amour
Pour remplir mon verre vide
Et de ton chant sublime et délicieux
Trouble la nuit endormie