Rab 23

Ce n’est pas le poète mais son âme
Qui danse et qui plane
Sur les flots de vie
Parmi les vents et les marées

Le soleil s’est enfin couché
Le ciel s’est obscurci
Abaissant sur la mer
Son regard aux longs cils

Le poète fatigué pose la plume
Ses pensées s’enfuient en groupes dispersés
Vers les profondeurs insondables
Du silence perpétuel et secret

Rab 22

Par ce matin d’automne
Excédé de lumière
Tes chants sont capricieux et las
Prête-moi ta flûte un instant

Je m’amuse avec elle selon ma fantaisie
Sur mes genoux à mes lèvres
Posée sur l’herbe

Dans le silence animal de cette soirée sublime
Je cueille des fleurs pour t’en couvrir
Comme avec des couronnes
Je remplis la chambre de parfums
La lampe allumée je te voue mon culte

Je te rends ta flûte
Tu en sors des sons assourdissants
Je préfère à coup sûr
La musique de minuit
Quand la lune solitaire
Exhibe son croissant
Au milieu des étoiles

Rab 21

Je te rencontrerai vie
je te rencontrerai vie pleine de moi
Vie joyeuse
Pourtant les jours oiseux
Troublent mon sentier
De leur poussière inutile

Je te reconnais vie par éclairs
Ton souffle encore incertain
Parfume ma pensée
Mon rêve est de te rencontrer en dehors de moi
Telle la joie derrière l’écran de la lumière
Je serai submergé par ma solitude
Où toutes choses sont vues
Comme à leur création

Rab 20

La nuit se voile
O nuit rêvée ! Fais de moi ton poète
Certains se tiennent et se sont tenus
Muets dans ton ombre
Pourtant ils ont laissé des chants
Laisse-moi les révéler au monde !

Nuit o nuit de vérité
Prends moi sur ton chariot sans roues
Mais non sans ailes
Bondis de monde en monde
Aidée per le silence
Reine dans le palais du temps
Magnifique et obscure

Plus d’un esprit douteur
Court dans ta cour
Interroge en vain la demeure déserte
Mais le coeur est percé par la flèche inconnue
La joie éclate ébranlant l’obscurité
Le chant de jubilation éclate dans les fondations

Les âmes attentives lèvent le regard
Jusqu’à la lumière étoilée
Soudain le trésor est trouvé
Toutes elles s’étonnent
Je suis leur poète et le tien
Insondable silence

Rab 19

Un pauvre jardinier disposait d’un étang
Il y cueillit le dernier lotus épargné par l’hiver
Il se présenta pour le vendre à la barrière du palais
Un voyageur offrit cher pour le lotus
Mais un serviteur du roi
Sortit et proposa beaucoup plus
Soudain le jardinier se ravisa
Et repartit avec son lotus :
« Mon lotus a l’air de valoir cher
Autant que j’en profite à mon aise »

Rab 18

Dans ton rêve tu es un nain
Un petit gnome
Tu t’adresses à un bouton de rose
Il ne veut rien savoir
Tu le secoues tu le frappes
Tu n’as pas le pouvoir d’ouvrir ce pauvre bouton
Tes mains l’abîment
Ce n’est pas des pétales que tu arraches
Mais des lambeaux que tu jettes dans la poussière
Aucune couleur aucun parfum
Il ne t’appartient pas de faire fleurir les roses

Celui qui sait éclore les fleurs
Travaille simplement
Il jette un regard y joint son haleine son souffle
La sève de vie coule dans ses veines
La noble fleur déploie ses ailes
Se balance au gré du vent
Sa couleur éclate comme un désir du coeur
Son parfum trahit un secret du vent
Que la simplicité est belle !

Rab 17

Je possède plusieurs lampes de plusieurs types
Dont une grosse bougie blanche et une lampe sourde
Je sortis de la maison avec l’une d’elles
Je criai à tue-tête : « Venez les enfants
Venez venez j’éclaire votre sentier ! »

La nuit était profonde encore profonde
Je rentrai chez nous
Je laissais la route à son silence
Je criai Je m’époumonai :
« Feu feu feu ! Eclaire-moi ne me brûle pas
J’ai tant besoin de ta lumière divine
Ma lampe brisée git dans la poussière ! »

Rab 16

Ils connaissaient la route, les malandrins
Leurs rapines leur réussissaient bien
Ils vinrent te chercher
Sur l’étroit sentier
J’errais loin dans la nuit
J’étais ignorant
Comme je n’étais pas savant,
Je ne te craignais pas
L’obscur dans l’obscurité
je n’ai trouvé ton seuil
Que par un étrange hasard
Les sagesses réunies se hérissèrent
Elles m’intimèrent de renoncer, de m’en retourner
Mon malheur et ma faute !? Je n’avais pas suivi l’étroit sentier
J’allais repartir serrant mes doutes contre ton sein
Mais tu m’as retenu fortement contre toi
La fureur des sagesses harpies n’a cessé de grandir

Rab 15

Ton langage est simple
Mais non celui des soi-disant disciples
Qui osent parler en ton nom
Je comprends beaucoup de choses
La voix des étoiles le silence des arbres
Mon coeur voudrait s’ouvrir comme un géranium
La source est invisible
On peut voir la fontaine
Tes chants miraculeux sont des oiseaux
Venus du pays désolé des neiges
Ils ont bâti mon nid dans mon coeur
Pour l’instant ils s’abritent des chaleurs débutantes
Pour l’instant j’attends satisfait la saison heureuse

Rab 14

C’est toi, nom de Dieu, qui me dois quelque chose
Telle était ta promesse solennelle
Ta lumière luit au travers de mes larmes
C’est ton salut aux armes
Je ne suis pas les autres
De peur de te manquer
Tu m’attends pour me servir de guide
A quelque tournant de route
Je marcherai dans mon chemin
Obstinément je marche
Jusqu’à ce que ma folie te pousse à ma porte
Car j’ai ta promesse solennelle
Que je te devrai mes biens