Rab 13

Je rencontre à chaque instant
Mon compagnon de voyage
Il chante au bruit de mes pas
Je ne suis plus abrité par le rivage
Ma voile est agitée
L’eau est un tumulte

Le copain ouvre sa porte toute grande
Je lui adresse tes amicales salutations
Il ne nous reste plus qu’à compter nos gains
A évaluer nos pertes
Nos battements de coeur scandent notre marche
Tu chemines avec nous pas à pas
Compagnon de voyage

Rab 12

Le fleuve rapide et clair
Coulait dans la vallée escarpée
Ornée de collines boisées
Sillonnées de petits torrents

Le prédicateur barbu
Assis sur le roc lisait un bouquin ancien
Un disciple graveleux déposa devant lui
Une paire de bracelets d’or

Avide le prédicateur s’empara d’un bracelet
Lequel glissa de sa main
Pour tomber dans la rivière
En lançant de petits éclairs de lumière

Honteux et confus le disciple graveleux
Sauta dans l’eau frémissante
Le maître replongea le nez dans son livre
L’eau emporta le bijou
Pour le cacher dans un trou

Devant le maître le disciple
Moins graveleux qu’auparavant
Trempé las et hors d’haleine
Balbutia : « Si seulement je connaissais
L’endroit où est tombé le bracelet !? »
Le prédicateur éleva en l’air le second bijou
Le lança dans la rivière et dit :
« Il est ici  »

Rab 11

La magicienne ne me pare
Que pour se complaire à elle-même
Pour se jouer de moi
Elle me lie de sa chaîne précieuse

Elle me blesse Elle m’étrangle
Quand je l’arrache
Elle s’agrippe à ma gorge
Elle étouffe mes chants

Si au moins je pouvais en faire une offrande
Mais de quoi serais-je sauvé ?
Reprends ta sorcière aimée et admirée
J’ai toujours la chaîne autour du cou
J’ai honte devant toi

Rab 10

Toi fortune bien-aimée tu m’as pris par la main
Je suis assis sur une sorte de trône
Devant les humains médusés

j’en suis devenu craintif de toutes les façons
Je ne peux marcher seul
Je doute je dispute à chaque pas
Je me blesse à toutes les épines
Que me tend l’amour-propre

Insultes et injures ont fusé de partout
Mon trône d’avanie s’est effondré
Je ne suis rien dans la poussière
Tant pis pour le vieux p’tit père
Mais mes chemins d’espoir
Sont là et bien là

Je suis oiseau Voyez mes ailes !
Elles mes ailes sont gonflées du désir céleste
Pour rejoindre les étoiles filantes
Qui crient aux minuits tendres
Les amours de l’ombre profonde

Je suis le nuage ballotté par la tempête
Dépossédé de ma lumière dorée
Je suis l’épée de foudre
Je fulgure sur la chaîne périssable
Des regrets et des remords

Ma joie est désespérée
Je cours sur le sentier dédaigné
Je m’approche peu à peu de ton accueil ultime
C’est après la naissance
Que l’enfant trouve sa maman

J’ai été jeté loin de toi
Mais je suis libre de contempler de loin ta face
Eclairée par le soleil naissant

Rab 9

Je m’attarde paisiblement
Au milieu de mes chères affaires amoncelées
C’est l’âge que voulez-vous c’est l’âge
Tel un ver je me nourris du fruit
Où je suis né où je suis né

Je vais bientôt quitter cette prison périssable
Je ne désire pas une quiétude que je saurais mortelle
Moi si vieux si jeune je ne sais pas vouloir autre chose
Que la jeunesse éternelle

Je jette tout ce qui pèse à mes yeux fatigués
Je rejette tout ce qui n’est pas moi
Tout ce qui n’est pas ma vie
Tout ce qui n’est pas léger comme mon rire
Charmant comme mon sourire éventuel

Je conduis mon char au travers de l’espace
Tel un poète je danse et je chante
Puis-je avouer que l’espace désert
M’enchante ?

Rab 8

Je suis prêt à m’élancer
Comme le jeune faon près de la biche
Je dois laisser derrière moi
Tous ceux qui s’attardent dans la harde

Tout se passe comme si mon nom
Avait été appelé avec le ciel du matin
Mais je n’attends personne

Le bouton de rose désire le ciel
Et la nuit et la rosée
La fleur éclose s’élance
Vers la lumière

Je souhaiterais o mon p’tit coeur
Que tu brises toutes tes entraves
Que tu t’élances libre vers où tu veux

Rab 7

Je ne puis plus demeurer dans ma maison
Mon foyer n’est plus un foyer
Ni ardent ni joyeux
L’étrange étranger marche à grand bruit
La route en est pleine

Chaque bruit me frappe le coeur
Mon coeur gémit dans sa folie
Chaque pas de l’éternel étranger m’appelle
La mer gémit le vent s’envole

J’abandonnerai tout oui tout
Pour suivre la force errante
C’est l’étranger qui m’appelle
Je l’entends qui marche sur le chemin

Rab 6

Les routes sont bien tracées
Je perds mon chemin
Sur la mer indescriptible
Il n’y a pas de ligne visible
Sur le ciel pas de lignes marquées

Le sentier est caché par les herbes
Par les ailes des oiseaux les étoiles de feu
Les fleurs de toutes les saisons
Mon coeur ne comporte pas l’invisible chemin

Rab 5

Une poignée de sable me cachait le signal
Heureusement j’en ignorais le sens
Aujourd’hui je le lis partout

Ce sens colore les fleurs
Illumine l’écume des flots
Les sommets des monts

Je détourne ma face
J’épelle de travers tes lettres
Je ne sais rien du sens

Rab 4

Je me suis éveillé lentement
J’ai découvert ton message à côté de ma tête
Tu sais pourtant que je ne sais point lire
Je pense d’ailleurs que personne ne peut lire ton message

Je dépose ton message sur mon front
Je le dépose sur ma poitrine
La nuit se tait Les étoiles ouvrent la porte

Les feuilles le murmurent
La rivière le fredonne

Je ne trouve jamais ce qu’ardemment je cherche
Je ne comprends pas ce que j’apprends
Ton message indéchiffrable n’est pas un fardeau
Mes pensers sont des mélodies