CGU 57

J’ai aperçu l’être
Il n’a pas voulu de moi l
Lamentable habitant de l’Être
Voué à l’existence

La mort n’a pas encore voulu de moi
Bonne camarade elle me souffle sur l’épaule
J’étais constipé la diarrhée me menace
Je suis sûr de mourir dans un flot de feuillage

L’eau du miroir n’est jamais troublée
Par de fugitifs émois
L’azur est implacable
Ma demeure est obscure et fraîche

L’été a des joues rouges
La nature en feu a les seins haletants
Tu laisses ta chanson interrompue
Tu n’es pas un roi mage

CGU 56

Je suis un hôtel de luxe
Il fait partie de ma maladie
Vous êtes un homme bon
Sensible et triste

Je n’ai pas dit un seul mot de vrai
Tu es une putain Il faut payer
Ton impassible rêve
N’est pas pour les rêveurs

Parmi les patients il est des favoris
Toute notre vie est une clinique
Les cris les pleurs durent des heures
C’est un grand labeur
D’approfondir son âme

Ton impossible rêve
N’est pas de rêver avec les autres
Qui dira le rôle des sous-vêtements
Chez de nombreuses femmes ?

CGU 55

Ta cellule est un caveau
A vipères et à chats
Redresse-toi et sors !
Un dieu formidable te guette

il est tapi dans la rosée et la pluie
Mon gentil coussin ma belle fenêtre
Ne me protègent guère
Du feuillage et de l’eau qui bougent

Il était un faune légendaire
Qui épie les nymphes
Il murmure sanglote rugit
Dans les vents des quatre saisons

Il se démembre volontiers
Innombrable habitant des formes
Il est l’eau et la serviette
But éternel de son propre désir

CGU 54

Je perçois obscurément les minutes qui passent
Dans mon être obscur le temps passe
Chastement enlacés nos rêves communs
Sont du dernier commun

Le soleil suscite au ras du champ
Un nuage de particules fines
Un laboureur rentre à pas lourds
Ebauche un profil noir
Sur la lumière rasante

Qui est pourpre à midi
Azur l’après-midi
Rose à l’aurore ?
Un papillon, non !

Un brin d’herbe portant une coccinelle
Est aussi beau selon moi qu’elle
Que le chant d’un marteau sur l’enclume
La nature est l’unique créatrice

CGU 53

Toute sagesse est amère
Aucune mer n’est sage
C’est ce que tu dis dans ton langage
Celui des lèvres de rosée

Tout est frisson
Sous les coups d’aile du vent
Que font les coqs de village
Sinon se battre bêtement ?

S’allonger les yeux clos
Comme un voluptueux lézard
Laisser brûler son corps
En amour du soleil

Flotter sur la rumeur
Défaillir se dissoudre en chose
Être l’arôme d’une rose
Prolonger le temps-espace

CGU 52

Le couchant rougit Je m’en balance
Seules m’importent mes prunes
Fruits délicieux de l’automne
Alors qu’en vain tu te donnes

Je rentre poudreux
Il est odieux
Le père que tout le monde révère
Au front sévère et bon

Nous foulons une heureuse terre
Je rêve soudain aux jours de ma jeunesse
Où je me jugeais déjà vieux
Encore imberbe

Je me lamente en secret de ma stérile richesse
J’envie les arbres j’aime les arbres
La nature me parait orgueilleuse et ravie
La présomption naïve de la vie
Attendrit la sagesse amère

CGU 51

Une charrue abandonnée
Plaisante avec les rares passants
Je suis fatigué des voyages
Où se situe notre jardin tout vert ?

Voici l’enclos à la porte d’osier
Il se repose après l’âpre chemin
L’agneau bêle le boeuf mugit l’âne brait
Un grand feu se traduit par une humble fumée

La maison rêve
Tu cherches les cauchemars
Où est la paix des corps ?
Sinon dans la mort ?

Rien n’est plus doux que le jardin familier
Après un long voyage
Le chant bref de l’oiseau solitaire
Amoureux de la terre

CGU 50

A l’ouest où meurt la lumière
Les coteaux noirs s’ourlent de jaune
Le monde aux sombres océans
S’ouvre aux gouffres amers

Mon ombre s’allonge toujours plus
Elle m’est plus fidèle qu’un chien
Les âmes errantes chuchotent
Un cheval hennit haut et clair

Le village plonge dans l’océan de brume
Les clameurs sont lointaines
Le ciel rêve L’humain s’endort
En attendant la prochaine tempête

J’aime les rayons d’argent
Au dessus de ma tête
Je les aime bien
Je ne les comprends pas

CGU 49

Ma misère sanglote et demande l’aumône
Le passant muet baisse le front
Il reviendra Ma flute sera plus plaintive
Mon mal plus profond

Les rosiers sont chargés d’eau
Chaque arbre s’agite et soupire en vain
Soudain la lune émerge ronde et nue
Sa clarté est stérile

Moi aussi je courbe mon front mouillé
Je ne m’ouvre pas à la tendresse nocturne
Qui me dit de goûter la secrète harmonie ?
Le clair de lune félicite nos coeurs

La nuit me met la main sur l’épaule
Mes pas ne foulent pas l’herbe en fleur
Je dois me contenter du sentier bleu
La nuit descend sur terre

CGU 48

As-tu calculé vieillard le mal
Que t’a fait l’amour ?
Dans un jardin déserté et tranquille
Âpre volupté tu es ironique

Le coeur humain est trop petit
Ou trop large
Certains chantent mieux que d’autres
De vieux airs douloureux

Ma flute en bois est usée et noire
Ne l’écoutent que des railleurs et des fous
Ma flute est notre confidente obscure
Un cadeau d’âme à âme

Je joue ignorant ta présence
Voluptueuse tendre
Autre chose encore
Mon mal est profond
Sur tous les fronts