CGU 37

Mes pensées sont comme des fruits multicolores
Sous mon aisselle je ne roule pas de perles
je mûris loin de tout mes pensers stériles
En attendant qu’ils s’évadent de leur île

Je suis étreint par plus fort que moi
Le sentiment d’amour
Le sentiment qui sanglote
Ma pitié tombe sur toi

je bénis les moments de force
L’horizon est sans rivage
La mer inquiète
L’orgueil ne connaît pas sa grandeur

Elle est cassée anguleuse immobile
Un vieux chapelet orne sa main
Ses yeux éclairent à la façon des vieilles lampes
Son murmure est sans repos

CGU 36

Mon coeur bat à tout rompre
Comme s’il était le coeur du monde
Mon sang est salé comme la mer
Les astres germent en moi

Je souhaiterais rugir comme la marée
Me dissiper comme un embrun
Atteindre l’extase sacrée des artistes
Je bouge Je suis tout rouge

Je ne fais qu’un avec l’univers
L’univers me poursuit
Pour me prendre dans ses bras
Je suis un peu gras

Le reflux dégage un rivage inattendu
Mon sang bat plus vite que ce recul
La cohorte des heures graves
Ne m’empêchait pas d’essayer de penser

CGU 35

La sébile est débile
Où le sable d’or luit
Le feu est mourant
Je suis assis tranquillement

Je suis bien vivant le matin
Le soir je suis toujours fatigué
Dans le crâne dans le cerveau
C’est l’effet des jours amènes d’autrefois

Je me reprends à t’aimer
Jeune sorcière
Je n’appréciais pourtant
Que les chastes ivresses à vingt ans

A quoi bon l’ivresse orageuse ?
Le soleil déchu laisse traîner sur les eaux
La dernière onde de feu
Les bras ouverts je l’égalais un peu

CGU 34

Je n’envie pas la cigale
Qui module son âme
Les veillées sont amères
Le labeur obstiné

Le génie joue librement
L’architecture est cadencée
L’univers murmure
Son bruit de fond

Y-a-t-il des rythmes essentiels ?
La mazurka ? le paso-doble ?
Y-a-t-il un seul rythme essentiel ?
A trois temps ? A quatre temps ?

Les dieux sonnent le vide
Et pas que dans leurs statues
A forme humaine
Vous êtes limpides

CGU 33

Il pétrit ébauche achève
Sa main tremblante d’amour
Fixe le contour invisible d’un rêve
Rien n’existe vraiment

L’eau tragique frissonne
Je ne suis ni tragique ni tragédien
Je ne suis ni comique ni comédien
L’heure sonne

Sais-tu à quoi me fait penser ta pensée ?
A de l’eau jaillissante !
Le ciel joue
A quel jeu ?

Connais-tu ce jet
Qui tombe avec la nuit
Dans le bassin aux nénuphars ?
Il ne se lasse jamais

CGU 32

L’eau sanglote
Le cerf brame
La nature est immuable et changeante
Je caresse les mots dociles

Flots des mers Seins des femmes
Fleurs murissantes Lignes des coteaux
Cols des cygnes Etoiles du ciel
Je suis à la recherche des vers mélodieux

Je dépeins la houle des blés
Je partage avec les flots une langue nombreuse
J’imite la rumeur du vent dans la forêt
Je crie juste un peu Je criaille

Je suis le limon des mots
Je suis le mot qui désigne le limon
Je tourne en rond
Mes rêves ne sont pas des mots

CGU 31

Les mots purs
Les mots mélodieux
N’écrivent pas de poème immortel
Sous les étoiles des cieux

Je suis inconnu au bataillon
Des auteurs champêtres
Et des autres tous les autres
Je suis un inconnu

Je me souris dans le miroir
Tu te souris dans le miroir
Le miroir nous guette à chaque instant
Il ne réfléchit pas quand il renvoie les images

Je tresse vers à vers ma strophe et le modèle
J’imagine une idée qui ondule
Cette idée n’existe pas
Ce n’est qu’une image détournée

CGU 30

Trop de mots sont profonds et durs comme des murs
La pensée impuissante à formuler son rêve
Anxieuse baigne dans un pâle éclat
Les pôles se rejoignent

Aimer rêver parler se taire vivre
Hors de l’époque troublée
L’amoureuse est au lavoir
Avec les autres amoureuses

Les vitres sont closes
Les volets attendent
Les lampes s’allument
Pour cacher les nous de nous

La plage se laisse joncher
De choses diverses
Vous me croirez si vous voulez
Je n’aime pas ça

CGU 29

Ils se lamentent auprès des vagues
Ils ont droit au vague à l’âme
Pleins de cendres et de sanglots
Sur leur histoire leur isolement et l’âge

C’est l’éveil de l’humain intime et intérieur
Quelqu’un chante en soupirant
Recueille l’écho de cette secrète voix
Il ne brille pas deux fois

Dans la rumeur hostile
Où la vie se cache
Se perd le murmure incertain
De la source première

L’esprit se paume dans la forêt des mots
Il hésite tâtonne trébuche
Fatigué désoeuvré
Il tombe sur le feuillage d’un arbre énorme

CGU 28

Je me penche sur l’eau transparente
Je bois l’eau fraiche du robinet
Je plonge dans mes souvenirs
Qui m’épient et me pillent

Les mères douloureuses
Evoquent les enfants naïfs
Elles jouent des tendres clefs
Une douce cendre remplit les tombes creuses

L’aïeule taciturne
A bu son reste de nature
Et offert mon âme résignée
A son destin obscur

Assis au bord de la mer
Je suis triste pour les dieux déchus
Qui n’ont jamais vécu que dans l’imaginaire
Des poètes reçus et repus

Le pic austère de la gloire à l’ancienne
S’élève en vain
Il n’y a plus de fleur des lieux sublimes
Elle ne supplie plus de ne pas l’oublier

On a monté Pourquoi redescendre ?
Les sentiers sont plus ardus encore
L’amour banal craint les cimes
On oublie les vaincus