CGU 7

Pour nous la vie n’est que sur terre
Nacre et or volupté
L’étoile de l’amour
Se fiance avec le jour

Nous ne sommes attentifs qu’à nous mêmes
Contre ton coeur le mien bat plus vite
La lumière quitte l’azur
Notre rue est pleine de crépuscule

La ville apaise sa confuse rumeur
J’aperçois une ombre à la vitre de leur maison
La prière est douce aux vrais voluptueux
je te prie mon amour d’être à moi
Pour toujours

Tu cries dans le plaisir
Et tu te crois maîtresse
La langueur nourrit ton âme solitaire
Eprise de la torture obscure
Des âmes sans amour

CGU 6

Un oiseau transi de rosée sèche ses ailes
Les bourgeons des rosiers sont roses
Les moucherons osent se montrer
La limpide étincelle d’une goutte
A pour jumelle l’une de tes larmes

Vaincue par la douceur
La nature vous fait fondre le coeur
Vous n’êtes pas docile
Tout pour vous est tourment

De ma bouche la tienne se détache
Votre regard est égaré
Vous vous plaignez tout bas
Je te garde dans mes bras

Vous levez vers moi
Votre visage convulsif
Votre arrière-sourire
Est bizarrement pensif

CGU 5

Notre vin est joyeux
Le foyer est morne
Tes chimères brillent
Sur cet âtre éteint

Tout est faux
Même ton art
Ta peine est insensée
L’humain échappe à sa pensée

Mes époques ont disparu
Je ne m’en souviens presque plus
Tu sais bien que la chair se noie
Entre deux amours

Ton lit est désert comme un sépulcre
Pourtant tu y dors d’habitude
Les vaincus dorment comme des morts
Personne n’a tort

CGU 4

Je renonce à l’orgueil
Par où je restais fort
Tu restes prodigue de ton âme amoureuse
Fondue en moi pensive heureuse

Dans le bourg qui brille au milieu des prairies
Grâce du décor
Il en est qui pleurent
Le silence infini de l’amour

Le sein que tu presses
N’est qu’une pierre nue
Ta voix n’est qu’un écho
Ton désir est expert en tromperie

Tu écoutes ce que tu veux entendre
Mon immortelle amour
Tu n’es qu’ivresse d’absinthe
Ton art s’écaille comme un fard

CGU 3

Il faut agir pour le mieux
Le jour même
Avant que tout passe
Tout casse

Ton désir o bien-aimée
Est aussi faible qu’une lampe consumée
Cependant il se couche à mes côtés
Laisse rouler sa tête

Mon coeur se répand en sanglots
Histoire de bonne femme dis-tu
Soeur fiancée amie
Ange épouse maîtresse

L’eau du matin pèse peu
A l’herbe nouvelle
As-tu la magie en toi ?
L’émeraude liquide ?

CGU 2

La nuit se désespère
Mon âme est murée
On ne trompe pas un tourment
La montagne voilée ondule dans l’azur

Les souffles m’éventent
L’eau est invisible
De sombres chiens de garde
Aboient on ne sait pourquoi

Le granit est dur et froid
Le vif de l’être est solitaire
Je maudis la nuit bleue
Bénéfique aux jeunes couples

Ton coeur est désert de qu’il aime
A défaut il s’aime lui même
Quand est-ce que tu m’aimes ?
Où est l’amour que tu sèmes ?

CGU 1*

Jeunesse foyer d’amour
Tu avoues à haute voix
Ta joie
Tu n’es pas une chimère
Tu es juste un peu chimérique

Mais déjà tu te languis
Laissant derrière toi une poudre fumante
Que le laboureur lance à pleines mains
Pour fertiliser la plaine

Un flocon d’azur s’évapore
J’en crible la poudre âcre et douce
Mes mains sont chaudes encore
Je me prépare pour le boogie-woogie

Tendresse de douleur Foi d’amour
Révolte de la raison avec ses sentiments
Ses colères ses passions naturelles
C’est elle c’est elle !*

* Cf. Charles Guérin, « Le Semeur de Cendres », 1898 – 1900, Paris, Mercure de France, MCMI, 1901

FGV 35 *

Sur mon âme je vous aime
Même vous les apparitions funèbres
Le soleil renaissait
Je restais debout au bout du chemin

Qu’y-a-t-il de commun entre un savant subtil
Et un bel homme un peu fat ?
Nous tous partons vers demain
Comme de fiers paladins inconscients

Je ne regrette pas d’avoir lu ce poème
Tu sais la vie
Pour toi les ombres sont claires
Ce que je sais de toi tu me l’as donné

D’une parole tu te fais l’écho
Tu abandonnes le secret de mon coeur
Il n’est pas un brin d’herbe qui ne frissonne
Je n’aime que tes poèmes
Remplis d’espoir et de désespérance *

* Voir : Francis Vielé-Griffin,  » La chevauchée d’Yeldis et autres poèmes », Paris, Léon Vanier, libraire-éditeur, 1893

FGV 34

J’ai aperçu ton effigie
Le vieillard est mort sans blasphème
Tu souriais plus grave plus lointaine
Derrière nous les plaines

J’avais froid en passant dans l’ombre
Je voulus chanter très bas
Le serpent s’enroula sur lui-même
La plaine était à nouveau immense

Le grand repos des choses accomplies
Nous berçait pour quelque temps
Nous avions fait halte sous un sycomore
Le ruisseau restait sans voix

Diésel se tourna et but
Il fléchit le front comme un enfant
Il bondit vers le ciel
Dont il retomba bien vite

FGV 33

L’ombre jase
La forêt chante
L’ombre est phosphorescente
Moi je phosphore

L’aube est naturelle
L’aurore est surnaturelle
Dit-on mais moi je ne le crois pas
Les tours sont lourdes et brutales

La foule fait fleuve
Le fleuve roule
Les patriarches sont prostrés
Diésel était royal

Un des patriarches nous apprit cette nuit-là
Que Yago Diésel provenait de Yeldis
Le fameux chantre de l’interdit et du défendu
Mais pourquoi ce pseudonyme ?