FGV 12 Fleurs du chemin

Vient l’ombre oblique
Et diaphane
Les foins fleurent l’amour
L’année fait son tour

Le cantique de l’eau
Est tendre grave et sourd
Les moutons bêlent
Le plus sot de leurs poèmes

Les demain sont des hier
Sous l’orage inattendu
L’heure bleue est imprévue
Mon chant résonne mal

Le sentier est bordé de fleurs sauvages
Va-t-il au delà des couchants ?
L’ouest est l’occident
Contre lui j’ai une dent
Toute route est lointaine

FGV 11 Diptyque

Regarde la plaine aux blés roux
La faux qu’on regarde luire
La folle qui vole à tire-d’aile
La mort qui manque de paroles

L’amour est une fleur
Il chante seul
La mort marche devant lui
Elle fauche à tout-va

L’amour marche encore
Couvert d’épis d’or
Il chante toujours
Semant aux vieux sillons

Peux-tu pleurer alors qu’il chante ?
Aimer c’est mourir et renaître
Assez souvent je reconnais
La mort a deux ailes
Réjouis-toi et sais croire
Il est là le diptyque

FGV 10

L’on se fait sage en dépit de soi
je connais les remèdes qu’on cueille
L’heure vient du repos
La mort vient-elle à propos ?

Une vieille visionnaire
Proférait des paroles de mensonge
Mais aussi de sagesse
Immobile et seule
On la pensait de pierre

Il ouvrit la tour
Pour que l’heure ne se meure
Certaines heures sont espoir
D’autres sont désespoir

La pensée est joie
Dès nos jeunes années
Sagesse étonnée
Le mystère est radieux

Mais qui est le fossoyeur
Des amours mortes ?

FGV 9

Il faut craindre il faut plaindre
Un jeune espoir s’est évanoui
Nos années sont fictives
Il n’y a pas de vieillesse d’âge

Si l’on parlait d’âme ?
L’âme est une fiction
Qui sert de récompense
A ce qui n’en mérite pas

La douleur de vivre
Fait rêver de mourir la vie
Quelqu’un rêve de suivre
Les yeux tournés à chaque pas
Vers ce qu’on ne reverra pas

J’ai vécu dans ces lieux où je suis né
J’ai su vieillir
J’ai vu nos enfants grandir
Suis-je si vieux ?

Je suis sous le soleil comme toi
Si jeune pour l’éternité
En moi le sable s’accumule
Pour de nouvelles dunes

FGV 8

Au beau jour d’hui
Comme au vilain jour d’hier
L’heure est pensive
Sans voile de veuve

J’étais debout
Appuyé d’une main
Sur la pierre au lézard
Il était déjà trop tard

Je sentais la vie en moi
Elle créait tout pour moi
Mon regard croisait presque
Celui du lézard immobile

J’ai senti venir le vieil homme
Il a poussé en moi
Sans demander son reste
Maintenant il est chez lui
Il est moi

FGV 7 Le fossoyeur

Le rempart au soleil d’août
Sans lierre est blanc
Dans l’herbe la vie chuchote
Sur la pierre un lézard gris
Est immobile

En bas la ville toits sur toits
Le lac aux voiles blanches
En haut contre l’azur
La dentelle froide des cimes

Le souvenir dort au plus profond de moi
Je n’étais pas joli
J’étais ivre comme endormi
Tu étais jeune de ta beauté

Sait-on assez que les fleurs croissent
Ou se fanent ?
Moi j’ai fait les foins
Tu es comme neuve

FGV 6

La vie la plus vile est belle
Toute vie vaut de vivre
Les vieux poèmes
Sont écrits sur des livres nouveaux

La voie monte comme la fleur
Le long des espaliers
L’amour espère
Il croit et il veut

La triste aïeule au geste lent
Son sourire a oublié d’être doux
Elle aussi lave à genoux
La nuit tombe le mystère défaille

Le passé fut de rouille et de carnage
Purifiez-le aïeule auguste des vieux âges
A la nuit légère des épousailles
Offrez votre espoir de lin bien fin

FVG 5

La vieille empoussière
Sous le prétexte de nettoyer
Son joug est lourd
Pourtant tu n’es pas sourd

La vie est vile
L’espoir est la seule foi véritable
La foi fait l’amour
La nuit git et geint
Elle est grosse du jour

Au crépuscule la lavandière aux joues
Et aux bras roses
Rachète d’un sourire
Les haines qui ne sont pas siennes

Tu conserves le désir suprême
Je l’ai vue souriante dans ses pleurs
L’eau toujours nouvelle mire les mêmes fleurs
La route s’ouvre à jamais vers le même doute

FVG 4

Massacrant sa beauté
Son charme naturel
La vieillarde aux tempes grises
Est morte pour mieux vivre

La lavandière aux bras de roses
Affiche la pose pudique
D’une belle à moitié nue
Sa pitié est ingénue

Hautaine et triste
La mère des formulaires
Se demande encor quoi faire
Elle fait la bestialité

Elle mène des soldats patibulaires
Au glaive court
Par les voies pierreuses
Elle est stérile et sans amour
C’est un cauchemar

FVG 3

Il est joli le clapotis des rames
Ils sont gais les rires des femmes
Il est grave le bruit des battoirs
Rythmant des heures sans mémoire

La vie est immense
Elle pèse trop pour une heure
Les femmes suggèrent leurs seins en battant
Certains sont des passereaux
D’autres des mastodontes

Un mot d’amour vaut l’étincelle
De l’astre ému les soirs d’enfance
Un seul mot répété
Mais les choses ne sont pas les mêmes

La mère d’une jouvence millénaire
Fauche sa vie martiale
Elle vole en théorie
De défaite en victoire