LTU 19

Les sages embrassaient l’un
Ils étaient la règle du monde
Ils ne voyaient rien
Personne ne les voyait
Pourtant ils resplendissaient

Ne disputant rien à personne
Personne ne leur disputait rien
Plier pour rester intègre
Ployer pour rester vrai

L’humain vrai et intègre
Attire à lui
Par le silence
Par le naturel de sa non-action

Une bourrique tient plus qu’une bourrasque
Tous dépendent de la terre et du ciel
Qui ne sont pas indéfiniment endurants
La voie est conforme

LTU 18

Je suis un imbécile heureux
J’ai choisi de téter ma maman
La vertu la plus vaste a la contenance
D’une fidèle suivante de la voie

La voie est vague
Ses symboles sont indistincts
Les êtres se sont dérobés
Les secrets ne sont plus secrets

Les essences sont pures
En elles réside la fidélité
Qui préside à la longue succession des êtres
Compréhensible o combien !

Je plie pour rester intègre
Je ploie pour rester droit
Je fane pour reverdir
Trop est égarement

LTU 17

Vivez sans souci n’étudiez pas
Le bien n’est pas le mal
Le peuple normal craint
Les gens sont hilares

Mon esprit est vacant
Comme celui d’un nouveau-né
On m’a laissé dans un coin
Non, ça ne sert à rien de pleurer

Ils ont tous du superflu
Je ne sais même pas ce que c’est
Je suis un abruti
Le peuple s’en porte mieux

Je suis crépusculaire
C’est aux autres de s’agiter fébrilement
Je m’abandonne à la mer oisive
Je tourbillonne vainement

LTU 16

Le marquis était constant dans l’erreur
Aussi ne fut-il pas aimé par la marquise
Pourtant ce n’était pas un petit marquis
Sans sincérité pas de fidélité

On flagorne puis on maudit
La voie périclita
Ce fut la grande hypocrisie
Ce fut une sorte d’anarchie

Nous faisons tout par nous-mêmes
Le sachant ne le sachant pas
Le pire se cache sous le meilleur
Les ministres sont fidèles

Rompez avec la sagesse
La bienveillance l’habileté
Le peuple retrouve de vieilles valeurs
Soyez désintéressés et sans désirs

LTU 15

Le désir est vide
Nous jetons l’ancre dans la quiétude
La quiétude est inquiète
Mais fait semblant de ne pas l’être

Nous contemplons le retour des êtres
La constance est parmi nous
Nous ne courons pas follement
Au désastre

La constance nous donne une image de l’infini
Pauvre image pleine de trous
Et d’illusions
L’universel n’est ni royal ni impérial

La fidélité est inconstante
La constance est le serment qu’on se fait l’un à l’autre
On ne s’accomplit pas soi-même
On reste constant

LTU 14

Si tout est vide
L’empereur n’est rien
Pour parler il faut savoir quelque chose
Or je ne sais rien

Le mystère est originel
Faute de savoir
Imitons les manières
Nous changeons comme la glace qui fond

Nous sommes ouverts
Comme une vallée à son entrée
Nos eaux sont mêlées
Nous flairons le danger

Nous endurons l’activité
Signe de notre vitalité
La voie n’est pas pleine de désirs
Elle est le désir

LTU 13

Laisser être laisser croître
Ne pas accaparer ne pas assujettir
Ne pas mourir ne pas tuer
Vertu originelle

En son milieu une roue est vide
Dans son entier le vase est vide
Portes et fenêtres sont vides
Le vide permet le mouvement

L’amour devient trop rare
Un sage tient à son ventre
La faveur est une surprise
L’empire est un vaste corps

L’invisible l’inaudible l’impalpable
Leur confusion fait l’unité
Forme de ce qui n’a pas de forme
La voie se déroule

LTU 12

On suppute à l’infini
On garde le centre
De la racine la fécondité est sans fin
Sans fin et sans finalité

Le sage se place à la dernière place
L’eau fait ce que nul ne peut faire
Elle ne dispute rien à personne
Certains sages restent à même la terre

On ne retient rien si l’on ne maintient pas
On ne s’abstient pas
On martèle la lame
On se refuse à l’arrogance

Nos âmes sont charnelles et spirituelles
Elles sont un résidu de sens dans le désert de nos existences
Laissez venir à moi la femelle
Si souriante si bien attifée

LTU 11

Je m’adonne parfois à l’enseignement sans parole
je m’entretiens sans assujettir
On ne gêne pas l’éclosion des êtres
Personne ne s’affronte quand le talent n’est pas reconnu

Les sages vident les coeurs et durcissent les os
Les habiles ne s’agitent pas
Ni le désir ni l’objet du désir ne sont plus étalés
Rien n’échappe à la conduite du non-agir

La voie est un bol vide
Qui reste vide après usage
La voie est source d’abîme
Elle disperse et rassemble les poussières

On dirait une présence
Qui ignore d’où elle procède
L’union de la terre et du ciel ignore la providence
Elle fonctionne comme un soufflet

LTU 10

Les deux principes le Yin et le Yang
Sont nés ensemble
Il sont de fait indissociables
Ils portent bien des noms différents
Le germe n’est pas le terme

L’origine est la porte d’entrée
L’une des portes d’entrée
Vers le mystère merveilleux
Mais dépourvu d’attraits manifestes

Nous sommes sous le ciel
Chacun prétend savoir
Que le beau est beau
Et que le mal est mauvais

Et voilà que règnent le laid
Et le mal
Les contraires s’attirent
Et se tranforment l’un dans l’autre