La terre est aride desséchée
Pourtant un pré est fertile
Tout ailleurs est morne silencieux stérile
Ici s’ouvre un asile pour l’oiseau quelques arbres
Tout y est vert même au comble de l’été
D’où vient cette rosée
Qui tombe en gouttelettes ?
D’une source tapie dans la verdure
Une seule source
Le fabuliste inconnu ( 165 )
Un enfant dans le grenier trouva un bâton
Il lui mit une tête de cheval
Et s’en servit pour des galops joyeux
Puis l’oublia
Au grenier on le remisa
Soixante ans plus tard
Le vieil enfant remonta difficilement au grenier :
« J’aurais bien besoin d’une canne
Tiens ! Que vois-je ? Mon bâton !
Il m’a secouru pour courir il me sert déjà à marcher
Bâton de jeunesse bâton de vieillesse
Bâton de sagesse ? »
Le fabuliste inconnu ( 164 )
La chenille se plaignait de ses infirmités :
« Je suis moche personne ne m’aime
Je rampe misérablement »
« Quel est ton avenir, petite chenille ? »
« Je vais devenir un magnifique papillon »
« De quoi te plains-tu ? »
« Mon avenir n’est pas mon présent »
Le fabuliste inconnu ( 163 )
Une maman sermonnait sa petite fille
La petite fille sermonnait sa poupée
La poupée rendit la politesse :
« Petite fille c’est à toi d’appliquer les leçons
Que tu prêches si bien
Je ne suis qu’un objet
Qui fait rêver »
Le fabuliste inconnu ( 162 )
Un enfant n’aimait pas un homme sombre et noir
Celui-ci lui offrit un gâteau au chocolat
Combien de pâtisseries sont nécessaires
Pour rendre sympathique
Ce qui ne l’était pas ?
Le fabuliste inconnu ( 161 )
Un jeune cep vigoureux
Ployait sous le poids du raisin
Son voisin un vieillard
Tortueux et torturé
Ne portait à son faite
Sur son dernier sarment
Que des grains clairsemés
Du vieux cep on tira une carafe de nectar
Du jeune un tonneau de piquette
Le fabuliste inconnu ( 160 )
Une nombreuse armée assiégeait
La citadelle du despotisme
La zizanie régnait dans ses rangs
Les oriflammes de chaque camp
Etaient rouges verts bleus noirs
Et même oranges
Un chanteur célébrait la justesse de la lutte
Pour la justice
On le somma de choisir son camp
« Mon drapeau est blanc
Union de toutes les couleurs »
Le fabuliste inconnu ( 159 )
Un aigle dormait et rêvait
Il dérobait au tigre sa proie
Il volait jusqu’en haut du Caucase
Il se réveilla il était enchainé
Il déploie en vain ses ailes de géant
Il est fréquent qu’un être humain
Ne soit génial que dans ses rêves
Le fabuliste inconnu ( 158 )
Deux amis s’asseyaient à l’orchestre
L’un d’eux davantage sceptique
Concluait son discours :
« Je le crois comme toi :
Les hommes sont frères
Mais ce sont des frères ennemis
Rongés par l’égoïsme et l’envie »
Les instruments commencent à s’accorder
Bruit vacarme tohu-bohu
Le sceptique : « On dirait de la musique moderne
C’est bien ce que je voulais dire »
La baguette magique du chef d’orchestre
Opère son miracle habituel
Chaque instrument s’exprime
Du clairon au hautbois
Du violon au triangle
Paix guerre ouragan amour
L’orchestre pleure gronde tonne s’apaise
L’harmonie se précipite sur le public conquis
Le copain un tantinet idéaliste dit :
« Le doute et l’ironie ne sont plus de mise
C’est le contraste des sons
Qui produit l’harmonie
L’unité est née de la diversité »
Le fabuliste inconnu ( 157 )
Ni les lacs ni les déserts
N’arrêtent un fleuve puissant
Toutefois la montagne le détourne
Et l’homme le dompt
Certains d’entre nous sont comme un fleuve
Le danger ne les arrête pas
Le plaisir ne les séduit pas plus que ça
Mais des forces plus puissantes
Religieuses et politiques
Les détournent de leur chemin