Un homme affamé
Demanda à une fermière des oeufs
La fermière répondit :
« Mes beaux oeufs sont frais
Mais si vous savez attendre
Les poulets nés de mes oeufs
Seront tendres à souhait »
« J’ai faim c’est les oeufs que je veux »
Le fabuliste inconnu ( 135 )
Un sage vieillissant était entouré de nymphes
Grâce à ses molles chansons
Dans l’alcool il puisait son inspiration
A ses côtés un jeune dépourvu de verve
Buvait à en perdre la raison
Les plaisirs que l’on sait modérer
Vous font l’esprit plus libre et le corps plus léger
Comme une lave ardente les folles passions
Eteignent les sens comme la raison
Distinguons l’ivresse du sage
De celle de l’esclave
Le fabuliste inconnu ( 134 )
Le mat de cocagne planté les rivaux se pressent
Les concurrents glissent et tombent un à un
L’arbre élagué est enduit de savon
Mais ils en emportent chacun une part
Le vingtième triomphe sans résistance
Et brandit insolent un drapeau rouge
L’humanité suit-elle un chemin analogue ?
Le fabuliste inconnu ( 133 )
Dans les roseaux dissimulé le cygne allait mourir
Un ornithologue caché tout près se félicitait
Il allait enfin entendre le chant du cygne
Tous ses instruments étaient prèts
Le cygne mourut enfin
En poussant un cri sauvage
Combien de belles légendes
Evoquent le chant du cygne ?
Le fabuliste inconnu ( 132 )
Une buche pleurait à l’idée de son sort funèbre
Le charbon lui dit : « Toi, tu as brillé en tant qu’arbre
Moi je ne suis sorti de l’ombre que pour bruler »
La buche : « C’est bien là la raison de mes pleurs
J’ai connu la lumière avant de la donner »
Le fabuliste inconnu ( 131 )
Une abeille sage et un papillon volage
Idolâtraient la même rose
Elle choisit le papillon
Ne riez pas ! Légèreté grâce coquetterie
Sont pour beaucoup de coeurs
De puissants aiguillons
Mais pourquoi vit-on le soir même
La rose se flétrir ?
C’est que le papillon inconstant infidèle
Pour de nouvelles amours
S’était déjà éloigné d’elle
Ne blâmez pas la rose
Beaucoup font la même chose
Le fabuliste inconnu ( 130 )
Un groupe de copains monta en haut d’une haute tour
L’un d’eux contemplant le vaste paysage
Déclara à haute voix : « Tout ceci est à moi »
Que n’avait-il pas dit là ?
Ses amis sont maintenant des ennemis
Le fabuliste inconnu ( 129 )
Quelqu’un suspendit une lyre à un laurier
Au moindre vent elle exhalait des sons étranges fantastiques
Un lierre jaloux les étouffa tous deux
Comme l’envie enlace l’humain
Le fabuliste inconnu ( 128 )
Un nouveau riche d’aujourd’hui
Disait : « Comment peut-on mépriser la richesse ? »
Bizarrement une voix minuscule au fond de lui
Posait la question : « Es-tu sûr de ne pas savoir ? »
Le fabuliste inconnu ( 127 )
Un âne qu’on battait
Et surchargeait de fardeaux
Se mit à ruer
Ce qu’il n’avait jamais fait
Son maitre le meunier tombe
Et se casse le cou
L’âne s’évade dans la prairie
Gambade dans l’herbe
Et broute en liberté
Un autre meunier le reprend
Suspend au bout d’une gaule
Une botte de foin
Après elle le pauvre âne
Court en vain
Fatigué écoeuré il se roule par terre
Et tue d’un coup le maitre et son foin
Le baudet sait qu’il ne peut pas aller bien loin
Il se livre à un troisième meunier
Dont les ânes disent grand bien
Plein de prolétaires n’ont d’autre choix
Que d’imiter notre animal