Un papillon étourdi
Se piqua aux dards
De la rose qui l’avait ébloui
« Cruelle ! Je te préfère désormais
Cette magnifique indolente »
Vers un pavot il vole à tire d’aile
Il boit s’enivre s’endort
D’un sommeil de mort
A tous les petits papillons j’adresse ce message :
« Soyez sages pour vivre ! »
Le fabuliste inconnu ( 115 )
Un marmot se goinfrait
Sa mère avec tendresse
Nettoyait les restes
Et le marmot : « Maman,
J’en veux encore
J’en voudrais toujours »
Ami sybarite attention !
Ta jouissance augmente tes désirs
Le fabuliste inconnu ( 114 )
Un singe et un éléphant
Se promenaient côte à côte
Quand il furent assaillis par la grêle
Le singe se mit à geindre
L’éléphant lui conseilla la patience
Le singe répartit : « Je voudrais vous y voir
Je n’ai pas votre peau
Qui brave la mitraille »
Se mettre à la place des autres
N’est pas inutile
Le fabuliste inconnu ( 113 )
Monsieur Jobard appréciait
Les boulevards de Paris
Mais ayant pris la pluie
Ne sortait jamais sans son riflard
Un jobastre se croit malin
S’il est inadapté
Le fabuliste inconnu ( 112 )
Un gland tomba sur un champignon
Qui se plaignit amèrement
Le gland répondit : « L’héritier d’une antique et noble lignée
N’a rien à faire d’un avorton
Poussant on ne sait comment sur le fumier »
Le champignon avec flamme rétorqua :
« Nos aïeux importent peu
Quand tu régales les pourceaux
On me donne à manger aux rois
Peu importent nos anciens
Si nous ne sommes pas nous-mêmes des ancêtres »
Le fabuliste inconnu ( 111 )
Une jeune fille s’admirait dans son miroir
Elle le tendit dans l’ombre
Elle aperçut une figure blafarde
Epouvantée elle attira brusquement la glace
« Profitons vite de notre jeunesse »
Le fabuliste inconnu ( 110 )
Une pomme régnait de toute sa splendeur
Certains papillons la prenaient pour une fleur
Mais un ver assassin dévora la jeune souveraine
A nos festins joyeux
Souvent vient s’asseoir le malheur
Le fabuliste inconnu ( 109 )
Un promeneur qui marchait au hasard
Fut tout heureux d’apercevoir
Un cadran solaire
Enfin il avait l’heure
Mais un nuage malencontreux
Fit disparaitre l’image
Il se dit en lui-même :
« Quand pèse sur nous le doute ténébreux
Notre âme qui se languit dans son sombre esclavage
N’a plus qu’à attendre que le vent de l’espoir
Chasse le nuage »
Par bonheur il existe d’autres doutes
Moins monstrueux plus pertinents
Le fabuliste inconnu ( 108 )
Un enfant allait célébrant la nature
La trouvant idéale
Il aperçut un passereau
Du dernier charmant
Et le vit gober un moucheron
Les deux étaient innocents
La nature est belle et cruelle
Il faut la respecter
Telle qu’elle est
Telle qu’elle se présente
Le fabuliste inconnu ( 107 )
Un cèdre solitaire
Avait réussi à survivre
Dans la montagne ingrate
Rabougri il restait fier
D’être le rejeton
Du roi des arbres
Un bûcheron survint
Pour l’abattre
Le cèdre garda sa fierté