La fourmi avait dit « Eh bien ! dansez maintenant »
La pauvre cigale eut la chance de rencontrer un vieux papillon
Qui lui confia ses maigres provisions
Il ne passerait pas l’hiver
Elle descendit vers le sud
Et dansa des claquettes devant un parterre de sauterelles et de criquets qui l’applaudit fort
La fourmi est sourde
Pour elle la danse n’est que vaine agitation
On ne peut avoir tous les talents
Le fabuliste inconnu ( 36 )
Un jeune homme dormait le jour
Veillait la nuit
Pour goûter disait-il
Aux plaisirs de la vie
D’une pâleur extrême
Il alla consulter une doctoresse
Qui lui conseilla de courir chaque matin
Par le vallon verdoyant et la prairie fleurie
Il y trouverait un jour la fleur de santé
Le jeune homme courut et courut encore
Sans apercevoir la fleur sorcière
Il retourna chez la doctoresse
Qui lui montra un miroir
Il y vit O merveille
la fleur de santé
Et de surcroit la fleur de beauté
Le fabuliste inconnu ( 35 )
Un jour un orage énorme éclata
Les grenouilles en coassèrent de joie
Comme on leur en faisait la remarque
Elles répondirent : « Nous savons que l’orage est destructeur
Mais à nous il apporte de l’eau »
Le fabuliste inconnu ( 34 )
Il fut un temps où des pères
Eurent peur de la vapeur des locomotives
Et imputèrent au rail
D’horribles funérailles
Aujourd’hui des fils redoutent
La vapeur des centrales nucléaires
Ils ne manquent pas d’air
Le nucléaire est terrifiant
Mais il ne pollue pas
Sauf si on ne le protège ni des cataclysmes
Ni de ses déchets
A chaque époque moderne
Ses terreurs collectives
Devant la nouveauté
Qui n’est pas apprivoisée
Surtout quand elle touche au secret de la matière
Le fabuliste inconnu ( 33 )
Une petite fille au petit matin
Descendant au jardin
Découvrit une rose rouge
Qui penchait baignée de larmes matinales
La fillette l’agite pour faire tomber les pleurs
Et c’est les pétales qui s’éparpillent
L’enfant éclate en sanglots
Elle apprit vite qu’un peu de temps
Aurait rendu à la fleur
Toute sa beauté et ses parfums
Il est des maux que seul le temps peut emporter
Le fabuliste inconnu ( 32 )
Sylphes mystérieuses
Qui essaimez
Dans la profondeur silencieuse
De mon ennui
Redonnez-moi l’amour
De la rose et du platane
Afin que du fabuliste
Je retrouve la flamme !
Le fabuliste inconnu ( 31 )
Un enfant gourmand comme on l’est à son âge
Déroba un gâteau dans le frigo
Il mangea toute entiere cette délicieuse forêt noire
Sans entendre les jappements de son chien
Deux jours plus tard au cours d’un déjeuner familial
Le chien vola à son tour un gâteau une religieuse
L’enfant le gourmanda Le chien aboya
« Dois-je te rappeler ce que tu as fait l’autre jour ? »
Penaud l’enfant lui donna en cachette un gâteau
Une autre religieuse Il ne savait pas que le chocolat
Ne convient pas aux chiens
Le fabuliste inconnu ( 30 )
Les blanches tourterelles
Qui chantaient leur amour
Au fond de son coeur
Se sont enfuies hélas
Au seul son de sa voix
Prodigue en paroles de fiel
Le fabuliste inconnu ( 29 )
Une belle cloche tintait, carillonnait et même tintinnabulait
Aux offices communs
A côté d’elle un bourdon ne faisait que se taire
La babillarde lui en faisait le reproche
Quand se produisit une occasion solennelle
Malheureusement un enterrement
Instantanément la cloche tomba amoureuse
De cette voix dans le bronze gravée
Le fabuliste inconnu ( 28 )
Le chemin du devoir est trop souvent escarpé pour des êtres désorientés
Imaginons la vierge qui par rêve d’amour n’a connu que le déshonneur
Soyons vigilants Mieux vaut souvent pêcher par tolérance
Couvrons couvrons de fleurs le chemin du devoir