Hommage à Ronsard ( 2 )

Fontaine chérie de nos nymphes
Quand ton eau les cache au creux de ta source
Fuyant le satyre qui les pourchasse
Tu es la Nymphe
Vois en ce pré verdelet
Ton poète accompagné d’un chevreau de lait
Dont les cornes sortent du front nouvelet
L’été je me repose sur ton herbe
Caché sous les saules verts
Je compose je ne sais quoi
Dont j’espère qu’il enverra ta gloire par l’univers
Commandant à la mémoire que tu vives par mes vers
Ton vert rivage me brûle
Je célèbre le rocher percé
Qui darde avec un bruit enroué
L’eau de ta source jasarde

Hommage à Du Bellay ( 6 )

Comme on passe en été le torrent sans danger
Lui qui en hiver régnait sur la plaine
Ravissait par les champs dans sa fuite hautaine
L’espoir du laboureur et celui du berger
Comme on voit les animaux couards
Outrager le lion gisant sur l’arène
Ensanglanter leurs dents et d’une audace vaine
Provoquer l’ennemi qui ne peut se venger
Ceux qui la tête basse accompagnaient
La gloire du triomphe romain
Exercent leur audace sur des tombeaux poudreux
Les vaincus osent dédaigner les vainqueurs

Hommage à Clément Marot ( 4 )

J’avais un valet de Gascogne
Gourmand ivrogne et menteur assuré
Pipeur larron jureur blasphémateur
Sentant le gibet cent lieues à la ronde
Au demeurant le meilleur fils du monde
Ce vénérable enfant de Gascogne
J’en parle à titre posthume
Sachant que j’avais caché quelque argent
Se leva plus tôt que de coutume
S’empara de ma bourse
Je n’en ai plus jamais entendu parler
Le vilain ne voulant partir avec si peu
Me happe casaque bonnet chausses
Pourpoint et cape mes plus beaux habits
Dont aussitôt il se vêtit
Vous l’eussiez pris en plein jour pour son maître
Il va droit à l’étable où deux chevaux il trouve
Il laisse le pire et monte sur le meilleur
Pique et s’en va Au sortir de chez moi
Il n’oublia rien sauf de me dire adieu
J’ai le sentiment que je ne le reverrai jamais

Hommage à la Renaissance

Je vais poursuivre mon hommage à la poésie française du XVI° siècle, prodigieuse et diverse, de l’éloge de la vénerie et des travaux des champs à l’amour le plus idéalisé, archaïque un peu et moderne étrangement. La poésie pour une élite sociale jouait alors un rôle immense qu’elle a aujourd’hui perdu au profit de média différents, la chanson étant son héritière. La poésie française du XVI° siècle est l’un des reflets de ce qu’on appelle à juste titre la Renaissance. N’oublions pas la Réforme protestante ainsi que la Contre-Réforme catholique auxquelles j’ai choisi de ne pas faire allusion.

Hommage à Godard

Jean Godard vécut autour de 1600 :

Chez l’homme le mal est volontaire
S’il est malheureux c’est qu’il veut l’être
Il donne toujours puissance
A quelque mauvais maître
L’homme est pris d’avarice
Qui veut tout avoir et tout prendre
Maître il n’est pas de l’or qu’il a
De son malheur l’homme est idolâtre
Prêtant la main à l’arme qui le veut battre
Tout animal fuit son malheur l’homme le fête
L’homme qui se plait à son mal
Est pire qu’une bête
De nos peines nous nous plaignons
Et nous sommes la cause de nos peines
Nous héritons grâce à la nature
D’un champ divin pour des moissons divines
Nous y semons des chardons
Nous récoltons des épines

Hommage à Habert

Nous poursuivons et terminons notre cycle, commencé avec Flaminio, d’inspirations qui nous paraissent exagérées, mais qu’on peut traiter de baroques, en présentant Issac Habert qui fut actif autour de 1600 :

A la vision des tremblantes horreurs
Qui se traînent dans les sombres enfers
Les cavernes affreuses les fleuves ensoufrés
Les âmes malheureuses la mort l’effroi
La rage les fureurs les horribles terreurs
Qu’avec eux les éclats du céleste tonnerre
M’accablent dans une effroyable guerre
Je ne la craindrai pas étant près de ton oeil
Oeil qui donne la lumière aux lumières du monde
Oeil qui abonde d’appâts et de flammes
Plus beau et plus brillant que ne l’est le soleil

Hommage à De Montreux

Nicolas de Montreux est cité pour témoigner des efforts théâtraux du XVI° siècle :

Athlette, pastourelle
Acte I, scène I

Delphe, magicienne, parle immobile et debout :
« Le front pâle la fureur dans les yeux
Je sors du fond de mon antre hideux
Où le soleil jamais ne fit briller sa lumière
Antre de l’horreur jour et nuit
Où les esprits affreux de l’infernal séjour
Orgueilleuse bande
Font à l’instant ce que je leur commande
Les pieds nus les cheveux éventés
Les yeux roulant de tous côtés
Les seins ouverts La robe retroussée
Je remâche d’une étrange manière
L’art des sorcières
J’invoque l’enfer et le firmament »…

Hommage à Flaminio

Flaminio de Birague, d’origine italienne, semble un peu exagéré, même au XVI° siècle :

Vit-on jamais o Fortune trompeuse
Rien de plus misérable de plus triste que moi ?
Je meurs de trop aimer une jeune déesse
Je n’ose pourtant lui conter mon émoi
Si ses yeux qui causent mon trépas
Connaissaient ma passion
Je m’en irais content aux rives là-bas
Mais puisque le destin arrête ma mort
Au meilleur de mon âge
Je veux que sur mon triste tombeau on grave
Ces quelques vers :
« Ci-git un pauvre amant que la fière fortune
Priva en sa jeune fleur de vie et de lumière
Pour avoir osé aimer une divinité »

Hommage à Goulart

Simon Goulart fut un protestant fervent autour de 1600. Je laïcise le texte :

Je cours et n’en puis plus J’écoute et je suis sourd
Je regarde je ne vois rien Je parle et ne dis rien
J’aime trop ma personne et si je ne l’aime pas
Je suis discret et lourd
Je cours après le monde et en reste court
Quand la volupté raisonne je l’entends
Je vois par les yeux de la chair
Je profère de vains propos
Je cherche la vie dans la mort
La vérité dans un songe
M’aimant sans aimer je me hais à mort
Etant sage sans sagesse je vis dans le mensonge
Avez-vous la solution ?