Hommage à Gauchet

Claude Gauchet est de la fin du XVI° siècle. Pour lui, au sens propre, « le bonheur est dans le pré » :

Le faucheur jette sur son dos la besace
Garnie de sa faux tranchante et des pierres à aiguiser
Puis marche à grands pas pour gagner du temps
Afin de besogner au frais du jour
Il se décharge de son fardeau
Pend son déjeuner au branchage d’un saule
Met ses outils au pied puis se dépouille
Prend sa faux par la pointe et s’en va l’aiguisant
Il entre au fort du pré sans craindre la rosée
Dont l’herbe reluisante est arrosée
Il marche au travers les jambes écartées
A beaux bras étendus le fond découvrant
Puis tourne en rond à petits pas s’avançant
Rouant autour de lui sa faux à pleine puissance…

Hommage à De Pibrac

Guy du Faur de Pibrac fut un juriste éminent au XVI° siècle :

Avec le jour commence la journée
Loue le travail et passe ainsi l’année
Tout l’univers n’est qu’une cité ronde
Pour le plus petit et le plus grand du monde
Y-a-t-il un nombre infini d’idées ?
Que ta volonté soit le moule des choses nées !
Pour mieux décevoir le méchant imite
Le langage des gens de bien
Le malheur est le lot de tous les hommes
Seul le sage est exempt de ses lois
Las où en est-il au siècle où nous sommes ?
Le sage est libre enferré de cent chaînes
Il est le seul riche et jamais étranger
Le sage sait seul ce qu’il a mérité
Et ne l’attend de personne hors de soi
On ne peut parler beaucoup sans mensonge
Ou pour le moins sans quelque vanité
Parler peu convient à la vérité
Beaucoup à la fable et au songe
Ris d’un monde qui n’est que vanité
Mais pleure aussi par pure humanité
Ne va pas à la cour pour dire ce que tu penses
Respecte la communauté dans laquelle tu es né
Ainsi que celle qui t’a accepté
C’est l’état moyen qui est le plus durable
Plus on sait plus on sait qu’on ne sait pas
Jamais la vertu n’est présomptueuse

Hommage à Pey de Garros

Pey de Garros au XVI° siècle écrivait en gascon :

Sa grande beauté se montre à tous
Mais l’eau est si profonde
Que je l’atteins des yeux seulement
Tout contre la fontaine je mourrai de soif

On me dit de m’éloigner d’elle
Mon coeur me dit de me présenter à elle
De mourir mais sans languir
Tout contre la fontaine je mourrai de soif

Approche o fontaine ta douce et pure face
Pour m’arroser de ton eau favorable
Ou je me dirai un second Tantale
Si près de la fontaine je mourrai de soif

Ma voix plaintive criée en profondeur
Me revient en écho comme elle était partie
Il ne me faut plus espérer que dans la seule mort
Tout contre la fontaine je mourrai de soif

Pour en terminer avec mon infortune
J’ai vu soudain ma fontaine desséchée
Ma claire fontaine Las ! Où boire maintenant ?
Si près de la fontaine je mourrai de soif

Hommage à Florent Chrétien

Florent Chrétien fut le précepteur d’Henri de Navarre, futur Henri IV. Fort érudit en latin et en grec, il fut aussi intéressé par l’art de la vénerie, sport des Grands à l’époque :

Les meilleurs écuyers jugent un cheval par les marques d’ici :
Le front haut élevé
Les membres forts et grands la tête haute et brave
Penchant de côté sa contenance brave
Le sourcil large et beau force crins descendants
L’oeil prompt et ardent les paupières sanguines
Oreille courte grande bouche les narines ouvertes
Grand corps larges reins poitrine ample et épaisse
Grosse queue crépue cuisses musculeuses
Les pieds droits grêles longs
Les jambes sèches fortes menues
Le talon et la corne ronds
Voici un cheval généreux fait aussi bien pour la bataille
Que pour accompagner un maître qui travaille

Hommage à Anne de Marquets

Je me suis engagé à ne pas parler de religion ou de politique au XVI° siècle. Je ferai une seule exception en faveur d’Anne de Marquets :

Aujourd’hui, jour de Noël, Jésus-Christ prend naissance en terre
Afin que nous puissions quelquefois naître aux cieux
Pour nous agrandir voire faire de nous des dieux
Il s’apetisse et prend notre substance humaine

Las ! il vient se soumettre à une indigence extrême
Pour nous donner joie et repos pleins de grâce
Il choisit de bon coeur douleur peine et souffrance

il cache sa claire divinité sous la chair
Pour nous illuminer de clarté céleste
Et nous donner une vie entière et durable
Il lui plait d’éprouver les rigueurs de la mort

Afin que grâce à lui l’homme soit libre et fort
Il s’en vient faire serf infirme et misérable

Hommage à De la Péruse

Jean de la Péruse est du XVI° siècle :

Adieu je vous dis muses anciennes
Vos beaux cadeaux ne sont-ils pas
Pauvreté langueur souci
Ennuis travaux et peines ?
Vantez votre immortalité
Je n’ai été que trop trompé
Par vos promesses vaines
Las qu’ai-je dit ! Muses revenez
Désormais c’est vous seules que je veux suivre
Je sais très bien qu’en ce monde tout périt
Sauf heureusement les seuls biens de l’esprit
Que l’homme mort fait vivre après la mort

Hommmage à Ronsard

J’ose enfin aborder l’oeuvre de Pierre de Ronsard :

Plus tôt se lassera le bal de tant d’astres divers
Plus tôt la terre et l’onde seront lassés
Plus tôt l’âme vagabonde du grand tout
S’animera dans les abîmes
Plus tôt les cieux seront recouverts par la mer
Plus le monde sans forme ira confus
Que je sois l’esclave d’une maîtresse blonde
Ou que j’adore une femme aux yeux verts

Un oeil brun en profondeur
Sut le premier éteindre mes yeux
Aucun autre oeil jamais
N’en sera le vainqueur
Quand la mort m’aura ôté la vie
Je veux là-bas encore aimer l’idée
De cet oeil que j’ai fichée au coeur

Hommage à Tagaut

Jean Tagaut est lui-aussi du XVI° siècle :

Tout plaisir passe
Le deuil menace
La volage fortune
Ne rit pas toujours
Mais je vous vois en joie
Et moi en douleur
Plus je fuis le deuil
Plus je m’oppresse
Je maudis la vie
Qui me fut ravie
Si cruellement
Tu es toi si fière
Esclave prisonnière
D’un amoureux feint
Là est la vengeance
Là la récompense
Je ne vais pas mieux
Pour autant

Hommage à Muret

Marc-Antoine Muret, là encore traduit du latin, eut Montaigne pour élève :

Sais-tu quel est mon voeu le plus cher ?
Je ne veux pas de palais ni de lingots d’or
Je souhaite avec toi mener une longue vie
Et toujours jouir de ton amour

Lorsque de courir tous deux nous serons las
Nous reposerons dans l’herbe nos membres fatigués
Pour un nouveau combat de langues et de lèvres
Que n’égaleraient pas les colombes elles-mêmes
Au milieu des bois des ruisseaux doucement murmurants

Quand seront venues les atteintes de l’âge
Qui auront répandu sur nos chefs leur neige
A un moment les fils de ma vie se rompront
Tu mettras dans un petit tombeau mes menus ossements

Quand la mort t’aura prise toi-même
Tu voudras reposer dans la même tombe
Si petite soit-elle
Sur la pierre seront inscrits ces mots :
« Passant ils n’eurent qu’un seul coeur une seule âme
Les deux êtres dont une unique pierre
Recouvre aujourd’hui les os »

Hommage à Pelletier

Jacques Pelletier est pleinement du XVI° siècle :

Quand les séjours du soleil se font plus longs
Et plus longs les jours
Plus chauds les rayons
Hument les moites fraicheurs
Puis vers l’humide soir
La terre peu à peu pousse
Une vapeur fraiche et douce
Les moiteurs s’émeuvent
Mais la débile tiédeur
Fait retomber la froideur
En gouttelettes
En tremblantes perlettes
Desquelles sont diaprés
Champs buissons prés
Le matin s’allume sur la rosée
Et la hume
Les ébats plaisants
S’en vont dit-on
Dès les jeunes ans
Comme la beauté virginale
Dès la tendresse matinale