Passions personnelles

Après avoir publié, à partir du 25/12/2013, jour de Noel, l’intégrale des fables de Florian, je suis pour un temps passionné par le XVI° siècle, siècle passionnant et passionnel. Je ne touche pas à la politique, ni à la religion de cette époque déchirante. Je translate pour mon plaisir. L’amour en poésie se déguise souvent. Il a besoin de déguisements, c’est-à-dire de sublimation.
Me contentant de Marot, Du Bellay, Ronsard et Louise Labé, j’étais loin de prévoir la luxuriance poétique du XVI° siècle que j’ai découverte grâce aux anthologies que j’ai déjà citées de Seghers et de Gallimard ( dont le volume consacré au XVI° me parait remarquable ). Je leur ajouterai celle de Fernand Mazade, « Anthologie des poètes français », dont les introductions aux poètes sont d’une grande qualité pétillante.
J’ai tendance à prolonger le XVI° siècle dans les débuts du XVII°, signe de plus de la difficulté à se contenter en histoire des siècles astronomiques. A noter aussi le rôle largement prédominant des robins, aristocrates et bourgeois, juristes et magistrats.

N.B. : Pris par un mauvais esprit qui me fait un peu honte, je ne peux m’empêcher de citer un vers de Mazade que je viens de citer et qui fut un poète estimable :
« Un seul arbre est vert, c’est un chêne vert »

Affaire d’amour

Une affaire d’amour n’est pas une affaire d’Etat. Voire ! Madame Trierweiler a été répudiée comme une concubine d’ancien régime. Ces moeurs ne sont pas à conseiller au XXI° siècle. Il est à craindre que la froideur naturelle du président Hollande ne réagisse sur les affaires de l’Etat.

Hommage à Passerat

L’éclectique Jean Passerat est de la seconde moitié du XVI° siècle :

Enfoirés au visage noirci
N’approchez pas d’ici
Vous maudiriez votre folle entreprise
Fuyant battus et désarmés
Vous boiriez l’eau que vous aimez si peu
Jamais vous ne laissez en repos
Le porc salé les verres et les pots
Vous pissez sous la table
Vous couchez à l’étable
Vainqueurs de la soif
Vaincus par le sommeil
Ensevelis sous le vin blanc ou vermeil
Sales et nus vautrés dans une auge
Comme un sanglier dans sa bauge
On vous souhaite ce que vous voulez
Sauf de revenir O Etourneaux étranges
On n’a pas besoin de vous pour les vendanges

Hommage à Durant

Le patriote Gilles Durant est de la seconde moitié du XVI° siècle :

Un soir le long de l’eau
Elle marchait pensive
Les bras croisés la tête baissée
Sous ses pieds la rive était tapissée
D’herbes et de fleurs par milliers
La voyant ainsi à elle seule attentive
D’une peur soudaine mon sang se glaça
Je soupirais : « Gare le bord
Si tu te mires davantage
Tu pourras tel Narcisse
Embellir le rivage »

Hommage à Guy de Tours

Guy de Tours est de la seconde moitié du XVI° siècle :

Toute chose aime
Il n’y a que vous qui n’aimiez pas
En ces gisantes terres
Le fer l’acier les arbres les pierres
Les eaux les monts aiment comme nous
Les lions les tigres les loups
Les dragons les vents mutins
Les tonnerres eux-mêmes
Trouvent qu’amour est agréable et doux
A tout le moins
S’il ne vous plait pas ma Belle de nous aimer
Ne soyez pas si cruelle
De nous défendre de vous aimer

Hommage aux Vauquelin

Vauquelin de la Fresnaye fut, vers la fin du XVI° siècle, le père de Vauquelin des Yveteaux. J’ai modifié leurs textes :

Le père :
De mon livre mon fils tu as un exemplaire
Qui sans chercher plus loin t’apprendra à bien faire
Toutes les belles vertus se doivent de renaître
Peintes au vif tableau de nos comportements
Le fils :
Avoir peu de parents et s’y fier
Une vie et une seule à chercher d’honnêtes voluptés
Maintenir sa santé de vices exemptée
Sans besoin d’appuis garder sa liberté
Avoir plus d’amour pour soi que pour quiconque
Beaucoup d’honneur sans peine
Que mes travaux sont doux !
L’amour de la vie m’a paru si vif
Aux maux que j’ai soufferts
Qu’au lieu d’en être las je veux souffrir encore

Hommage à Théophile de Viau ( 4 )

Eloigné de vos yeux où j’ai laissé mon âme
Je n’ai de sentiment que celui du mal-heur
Sans un peu d’espoir qui luit dans ma flamme
Ma mort eût été ma dernière douleur
Plût au ciel que la terre ait quitté l’onde
Les rayons du soleil les cieux
Que tous les éléments aient quitté le monde
Et que je n’aie point abandonné vos yeux
Je ne suis plus vivant et passerais pour une ombre
Sauf mes discours qui dévoilent que je vis
Mon âme est dans les fers mon sang est dans les flammes
Jamais mal-heur ne fut à mon mal-heur égal
Je traîne en moi l’infortune et l’amour
Qui oblige mes sens à vous faire la cour
Dans le trouble importun des soucis de la vie
Chacun me croit chagrin de ne pas vaincre la terre
Alors que mes hauts desseins ne sont que de t’avoir*

* Le dernier vers est intégralement de Théophile de Viau

Aveux

Ce que je suis est ce que je ne suis pas
Je suis un lève-tard qui se lève tôt
Je suis un couche-tard qui se couche tôt
Je suis un joueur qui ne joue pas
Car il craint par trop l’enfer du jeu
Je suis un poète qui vampirise les poètes
Reprenant ainsi une noble tradition
J’en suis à copier et plagier
Reprenant ainsi une noble tradition
La jeunesse pense impossible
La vieillesse pense possible
Je suis donc bien vieux
Si j’en crois la logique
Etre vieux c’est être jeune
Je m’explique je ne me comprends pas
Je me comprends je ne m’explique pas
C’est ainsi que va mon monde
C’est ainsi que va le monde
Il ne va pas si mal que ça
N’est-ce pas ?
Je suis noirâtre je suis doré
Choisissez qui vous voulez

Hommage à Du Bellay ( 5 )

Je me suis fait savant en la philosophie
Et surtout en l’histoire
J’ai su quelque chose de l’économie
Ce que je préfère c’est la poésie
O la beauté des discours humains
Pour m’enrichir d’ennui de vieillesse de souci
Perdre en le vivant le meilleur de mon âge
Ainsi le marinier rapporte souvent pour tout trésor
Des harengs au lieu de lingots d’or
Ayant fait comme moi un malheureux voyage
Que sauvent cependant amour et poésie

Hommage à Jamyn

Amadis Jamyn est lui-aussi du XVI° siècle :

Toutes les herbes croissent
Toutes les fleurs paraissent
Il n’est que ton amour
Qui décroit nuit et jour

Par toutes les vallées
Les eaux sont dégelées
Il n’est que ton amour
Qui gèle nuit et jour

Douces sont les fleurettes
Douces sont les herbettes
Il reste ton amour
Plus amer nuit et jour

Tous les champs reverdissent
Pleins d’espoir se nourrissent
Moi j’ai de ton amour
Désespoir nuit et jour

Le doux vent dit zéphyr
Si tendrement soupire
Alors que ton amour
M’est amer nuit et jour

Tout rit sur les montagnes
Tout rit par les campagnes
Seul pour ton bel amour
Je pleure nuit et jour