Hommage à Guillevic

Guillevic fut un roc du XX° siècle :

Ils ne sauront jamais les rocs
Qu’on parle d’eux
Ils tiendront par eux-mêmes
Ils oublient les marées les soleils
Ils ne portent pas de face où tout se lit
Le pire est d’être en dehors de soi
D’être fou sans être lucide
La force des rocs est l’étendue

Hommage à Frénaud

Petit hommage, je le reconnais, à ce poète du XX° siècle :

Depuis le froid de l’aube
Et toute la journée
Jusqu’à l’heure incertaine
Où le soleil s’enfonce à jamais
Derrière la montagne
Habituelle et paisible
Découvrant des monts bleus indécis
Qui bougent et s’éloignent
Sans qu’on y prenne garde
Lui il boulonne

Hommage à Pierre Seghers

Je regrette que le « livre d’or de la poésie française » de Pierre Seghers n’ait pas été republié. Pierre Seghers ne se contenta pas d’adorer la poésie et d’éditer de nombreux poètes, il fut poète que je traite avec beaucoup de respect et de liberté :

Tu t’endormirais au coeur de rien
Tu serais rongé par des eaux qu’on dit grises
Tu naîtrais dans un berceau
Taillé dans ton coeur
Tu aurais le soleil pour dais
La nuit pour queue de chat
Tu ne serais pas le coeur de ton monde
Même s’il résonnait avec les oiseaux
Alors peut-être au centre de ton tout
Naîtrait une fleur vive dans un jardin
Qui ne serait pas le tien

Hétéro récidive

Hétéro a parlé de « liberté libre » le 8/12/2013 :

Suis-je un libertin ?
Que nenni !
Je ne désire pas tout ce que je fais
Je ne fais pas tout ce que je désire
Les limites de la liberté sont grandes
Mais je ne les connais pas
Je désire qu’on respecte ma liberté pour que je respecte celle d’autrui
Mais ce que j’appelle liberté est licence pour d’autres
Ma liberté m’est aussi nécessaire que l’air que je respire
Il n’y a pas de liberté contre la vérité
Nous aspirons tous à la liberté et dans le même temps que nous voulons être enchainés
Je parle de la liberté intérieure
La liberté extérieure, politique, sociale est difficile
Même la liberté intérieure est à conquérir Elle ne va pas de soi
Libérer l’esclave qui est en nous est la condition de la liberté
Mais cette liberté intérieure n’est-elle pas nécessité ?
Nécessité divine ou invention humaine ?
Respectons-nous jamais assez la liberté d’autrui ?
Je suis autre
Montesquieu disait : « La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent »
Les lois changent, la liberté reste
La liberté a à faire avec notre âme
Qu’est l’âme ?
Je parle de liberté, mais ne suis-je pas couvert de chaines que j’ai forgées moi-même ?
Une heure de liberté vaut une vie d’esclavage à condition que cette liberté soit vertueuse et ne soit pas une autre sorte d’esclavage
Vertu domestique, vertu politique, vertu
Vertu qui n’exclue pas les plaisirs mais les met à leur place
La liberté est dans la vertu
La vertu-liberté
La liberté est l’union harmonieuse et rare de tous les aspects de l’être humain

Hommage à De Baïf

Jean-Antoine de Baïf est pleinement du XVI° siècle :

Le flambeau du soleil
N’ôte pas l’obscurité
Le bandeau de la nuit
N’ôte pas la clarté
Que ce soit le jour ou la nuit
C’est la même Belle
Qui conduit mes ténèbres
Et ma lumière
Quand ses yeux pleins d’amour
Se détournent de moi
Même en plein jour
Je vois la nuit noire
Quand ses yeux pleins d’amour
Se retournent vers moi
En plein minuit je vois
Le plus serein de mes jours

Hommage à Catherine des Roches

Mesdames des Roches, la mère et la fille, brillèrent à Poitiers au XVI° siècle. Nous publions la translation d’un poème de la fille, Catherine :

Rien n’est plus différent que le sommeil et la mort
S’ils sont issus de même parenté
L’un sert l’autre fait grand dommage
Une mortelle froideur descend du cerveau
Une fièvre brûlante étreint l’esprit
L’une fait le sommeil l’autre est le trépas
Le sommeil sème roses et lys
Sur une face plaisante
La mort les ensevelit dans l’horrible crevasse
Un soleil aux mille zéphyrs caresse le dormeur
La mort ternit la bouche la plus vermeille
Le soleil donne la vie
Le sommeil empêche qu’elle soit ravie
La mort ronge au suaire en la bière en la terre
Corrompt les nerfs la chair les os
O bienheureux sommeil abaisse la paupière
De ma mère et la mienne le temps nécessaire
Pour le retour du soleil
Le hideux cauchemar ne m’épouvante pas
Parce que je ne le connais guère
L’ombreuse nuit étale sa puissance
Ses superbes pavots fleurissent à son gré

Hommage à Tahureau

Jacques Tahureau est lui-aussi du XVI° siècle :

D’amour je vis et d’amour je respire
Tels vers sont pour l’amour
Tels vers sont bien disants
Pour décrire de l’amour
Les feux doux-cuisants
Il te faut bien pleurer
Pitoyable élégie
Pour ceux qui sont meurtris
Par ta soeur la tragédie
Pour ceux qui meurent
D’une plus douce mort
N’ont pas senti l’effort
Violent de ta soeur tragique
Pleure donc élégie
Pleureuse élégie
Reprends ta face douloureuse
Ride ton front marri
Arrache de ton coeur
Mille soupirs cuisants
Témoins de ta douleur
O combien sincère !

Hommage à Desportes ( 2 )

Te lire c’est te voir et te voir c’est te lire
Il est doux le commerce de ta lyre
Je me plais dans ce feu dont j’ai l’âme embrasée
Comme une jeune fleur s’égaie à la rosée
Tu n’as pas estimé être chose vilaine
D’accroître du lit ton domaine
Tu remplis l’air de parfums les herbes de rosée
Les coeurs d’affection les yeux de larmes
Tes beaux yeux de berger touchés d’un long sommeil
Avec son mol ombrage et son eau froide et claire
Si l’amour est un dieu c’est un dieu d’injustice
Je me plains seulement de voir que la cruelle
Ne croit pas que tu l’aimes et t’appelle inconstant
Ou dit que tes ennuis viennent d’autres qu’elle !

Hommage à Desportes

Philippe Desportes appartint à la Pléiade :

Cette fontaine est froide
Son eau qui coule doux
A la couleur de l’argent
Pour parler d’amour
L’herbage mollet
Reverdit tout autour
Les aulnes font de l’ombre
A la chaleur ambiante
Le feuillage obéit
Au zéphyr qui l’évente
Le soleil est clair de flamme
La terre se fend
D’une ardeur violente
Gentil passant
Par le chemin lassé
Par la chaleur brûlé
Par la soif pressé
Arrête en cette place
Où ton bon heur te mène
L’agréable repos te délassera
L’ombrage chassera ton ardeur brûlante
Ta soif se perdra dans l’eau de la fontaine

Hommage à Tabourot

Estienne Tabourot fut l’ami de Pierre de Brach que nous venons de citer :

Rien n’est plus puissant que l’amour et la mort
La mort détruit les corps l’amour détruit les âmes
L’amour est le plus fort car de ses flammes
Dépendent la vie et la mort
L’amour nous fait vivre et mourir
Ses rigueurs font mourir ses douceurs font revivre
La mort ne peut guérir des blessures qu’elle inflige
L’amour pour mourir ne se délivre pas de l’amour
Au pouvoir de l’amour l’on retombe souvent
On ne retombe jamais au pouvoir de la mort
La mort exerce sa puissance contre des coeurs de terre
L’amour triomphe des hommes et des dieux
Des immortels et des mortels
C’est même du ciel qu’il tire sa naissance et sa puissance
Le malheur de la mort c’est le fleuve d’oubli
Avec l’amour commencent nos joies et nos douleurs
Nos meilleurs et nos pires souvenirs
La mort nous enferme au tombeau
L’amour aveugle nous prive de raison
Amour et mort sont les seules divinités que mon âme révère
Je les invoque et réclame sans fin
L’une est trop douce et l’autre trop amère