Florian ( 103 )

« C’en est fait je quitte le monde
Je fuis à jamais le spectacle odieux
Des crimes des horreurs
Dont sont blessés mes yeux
Dans une retraite profonde
Loin des vices loin des abus
Je passerai mes jours doucement à maudire
Les méchants de moi trop connus
Seule ici bas j’ai des vertus
Aussi pour ennemi j’ai tout ce qui respire
L’univers entier m’en veut
Hommes enfants animaux
Jusqu’au plus petit des oiseaux
Tous cherchent à me nuire
Qu’ai-je fait pourtant ? Que du bien !
Les ingrats ! Ils me regretteront
Mais après ma mort ! »
Ainsi se lamentait certaine sauterelle
Une de ses compagnes la soupçonna d’hypocondrie
Ou du moins d’orgueil chimérique
Dédaignant de répondre à ces sottes raisons
La sauterelle part sort de la prairie sa patrie
Elle sauta deux jours pour faire deux cents pas
Elle se croit arrivée au bout de l’hémisphère
Chez un peuple inconnu
Sous de nouveaux et beaux climats
Des épis nombreux se balançaient entre eux
Elle dit avec transport : « Voilà bien mon désert solitaire
Mon asile sûr »
La voilà dans le blé
Dès l’aube suivante voici venir les moissonneurs
Parmi les clameurs les rires les chants des jeunes filles
Les épis tombent sous la faucille
Les blés abattus laissent voir les sillons tout nus
La triste sauterelle s’écrie : « Voilà bien qui prouve
La haine universelle
Qui partout me poursuit
De peur que je m’échappe
Ils ravagent leurs biens
Ils y mettraient le feu
S’il était nécessaire »
Elle se montre et crie : » Me voilà ! »
Un petit moissonneur par hasard la voit
Se baisse la prend la jette dans l’herbe fleurie
Et dit : » Mange bien petite amie »

Florian ( 102 )

Sur le Pont-Neuf entouré de badauds
Un charlatan criait à tue-tête :
« Venez, venez faire emplette
Du grand remède à tous les maux
Cette poudre en tous points admirable
Donne de l’esprit aux sots
De l’honneur aux fripons
L’innocence aux coupables
Des amants aux vieilles femmes
Une jeune maîtresse au vieillard amoureux
La sagesse aux fous
La science aux ignorants
Avec ma poudre on obtient tout on fait tout
On sait tout »
Je me suis approché pour voir ce trésor
C’était de la poudre d’or

Dhoq.bis

Je m’en voudrais de ne pas signaler que dans le site qui nous est commun à Régine et à moi, intitulé « Contradictions militantes », j’ai publié dans la rubrique « Questions d’actualité », le 15/01/2014, un article sur l’affaire Trierweiler qui insiste sur la nécessité de la sincérité dans un couple comme dans la gestion de l’Etat.
Normalement notre site nous permet d’aborder les problèmes avec plus de recul que dans un blog qui s’écrit au quotidien. C’est ainsi que j’ai publié mon ontologie, dans notre site, sous la rubrique « Feuilleton théorique ».

Dhoq.

Les amis nous sont souvent contraires
Il faut dire que je commets au moins une erreur par jour
Je demeure en arrêt devant d’énormes problèmes historiques
Que reste-t-il des érigeurs de dolmens ?
Est-ce déjà vers 200000 avant le Christ que commençait la scission entre les ancêtres des peuples de l’Extrême-Orient dont les futurs Chinois et d’autres dont les Indo-Européens ?
Il faudrait pouvoir établir le rapport entre la partie et le tout. Mais nous ne connaissons jamais le tout et rarement la partie.
Il faut aimer l’histoire car nous n’avons qu’elle. Même approximative elle est vraie. Mais d’elle-même elle ne désigne pas le tout et ne sait pas ce qu’est une partie.
Ce qui est sûr c’est que nous sommes histoire. Ce qui est possible c’est que nous ne soyons qu’histoire.
Autre gros problème historique : Le monothéisme a tué quelque-chose de précieux, le divin. Il y a eu des retours du refoulé dont le plus magique est peut-être la Kabbale juive.
Dans ta simplicité respecte le complexe.
Je suis homogène en étant éclectique tandis qu’Hétéro Clite est hétérogène en étant lui-même.
Mais dans la complexité j’ai d’abord pris la simplicité !?

Florian : Epilogue

Jean -Pierre Claris de Florian, connu sous le nom de Florian, écrivain de la fin du XVIII° siècle :
Et voilà que je suis arrivé au terme de l’entreprise : je propose sur mon blog l’intégrale des fables de Florian, soit un prologue ( « la vérité et la fable » ) et 109 fables. Ma femme Régine m’a offert au mois de novembre une belle édition du XIX° siècle illustrée par Grandville. J’avais l’intention d’en tirer quelques translations d’autant plus que Florian est généralement sous-estimé au point d’en être oublié. C’est le jour de noël que j’aie translaté le prologue, j’ai continué dans l’ordre, au mois de janvier la machine s’est accélérée. Je ne pensais plus qu’à Florian. Je suis content d’avoir mené à bien cette opération, Florian, le meilleur fabuliste français après La Fontaine, la méritait. Florian, c’était pour moi un souvenir d’enfance. J’avais peut-être huit ans quand ma mère m’a offert une petite édition enfantine comprenant une douzaine de fables. J’en gardais un souvenir enchanté, en particulier de l’aveugle et du paralytique. En me relisant je juge que la grande majorité des fables valent le détour.
Rappelons que les fables 102 et 103 sont publiées deux articles après celui-ci.
Mon procédé de translation consiste donc à respecter, traduire, adapter, moderniser. Par rapport à Florian je n’étais pas tenu par les règles de versification du XVIII° siècle, en particulier la rime qui devient de ce fait un accessoire de qualité. Dans l’ensemble j’ai réduit le texte, parfois de beaucoup. En quelque sorte, j’ai fait le contraire de La Fontaine par rapport au fabuliste latin Phèdre. Là où il explique qu’il a fait compliqué ne pouvant plus faire simple après Phèdre, j’ai essayé de faire simple tout en gardant la saveur originale, surtout chez les animaux. J’ai abandonné dans une large mesure la ponctuation. J’ai gardé les morales de Florian sauf dans quelques cas où elles me paraissaient trop simples, répétitives, voire fatalistes comme l’indique son « toujours » au septième vers de son épilogue :
Je donne intégralement l’épilogue écrit par Florian :
« C’est assez, suspendons ma lyre,
Terminons ici mes travaux.
Sur nos vices, sur nos défauts,
J’aurais encor beaucoup à dire;
Mais un autre le dira mieux.
Malgré ses efforts plus heureux,
L’orgueil, l’intérêt, la folie,
Troubleront toujours l’univers :
Vainement la philosophie
Reproche à l’homme ses travers;
Elle y perd sa prose et ses vers.
Laissons, laissons aller le monde
Comme il lui plait, comme il l’entend;
Vivons caché, libre et content,
Dans une retraite profonde.
Là, que faut-il pour le bonheur ?
La paix, la douce paix du coeur,
Le désir vrai qu’on nous oublie,
Le travail qui sait éloigner
Tous les fléaux de notre vie,
Assez de bien pour en donner,
Et pas assez pour faire envie ».

Florian ( 109 )

Certain poisson volant
Disait à sa grand-mère :
« Je ne sais comment faire
Quand je m’élève dans l’air
Je crains la serre
Des oiseaux de proie marins
Quand je plonge au fond des mers
Les requins me font la guerre »
La vieille lui répond :
« Suis tout doucement
Ton petit chemin
Nage près de l’air
Vole près de l’eau »

Florian ( 108 )

L’oiseau qui porte le tonnerre
Banni du céleste séjour
Par une cabale de cour
Vint errer dans les bois
Malade de la maladie
Que laisse après soi la grandeur
Un vieil hibou du creux d’un hêtre
L’entend gémir se met à la fenêtre
Les aigles sont polis quand ils sont malheureux
Il écoute le hibou
Il le félicite d’être l’oiseau de Minerve
Le confondant avec une chouette
Le hibou continue :
« Je me suffis et j’aime le silence
Je n’ai pas de rivaux
Si quelque étourneau bavard
Quelque méchante pie
M’aperçoit en plein jour
Aussitôt leurs glapissantes voix
En appellent au meurtre
Je garde mon sang-froid et je disparais
Je m’abstiens et je supporte
Au nom du travail et de la paix
J’ai le vain désir d’être oublié »
L’aigle reprend :
« Je souhaite sur ce seul point
Que l’amitié trompe ta sagesse »

Florian ( 107 )

Un auteur se plaignait que ses écrits
Etaient rongés par les souris
Il avait beau changer d’armoire
Disposer des pièges
Avoir de bons chats
Rien n’y faisait
Prose vers drame histoire
Tout était entamé
Dans sa colère il versa de l’arsenic
Au fond de son écritoire
Les souris grignotèrent ses derniers écrits
Et crevèrent
Espérons que peu d’auteurs
Tremperont leur plume dans le poison

Florian ( 106 )

Médor le chien modèle
Si redouté des loups
A mangé un agneau puis la mère
Et enfin s’est jeté sur le berger
Il fut traduit en justice
Puis conduit au supplice
Personne ne le soutenait
Les chiens étaient là
Tristes humiliés mornes l’oreille basse
Médor parle :
« O vous que je ne peux plus appeler
Mes frères mes amis
Voyez où peut conduire
Un coupable désir
J’ai pendant dix ans suivi la carrière
De la vertu
Un faux pas m’en a fait sortir
Au lever de l’aurore
Je gardais seul le troupeau
Un loup sort du bois
Emporte un agneau
Je cours j’atteins le loup
Qui m’attaque Je le terrasse
Je l’étrangle sur place
Epuisé je m’écroule
Je suis tenaillé par la faim
J’aperçois l’agneau à demi dévoré
J’hésite je balance…
J’y porte une coupable dent
La brebis survient
Et pousse des cris de mère
La tête me tourne
Je crains qu’elle ne m’accuse
D’avoir assassiné son fils
Je l’égorge dans ma peur et ma colère
Le berger accourait armé de son bâton
N’espérant plus de pardon
Je me jette sur lui
Vous connaissez la suite et me voici
Prêt pour le châtiment suprême
Avant de mourir je voudrais vous dire
Qu’une légère injustice
Peut conduire aux forfaits les plus grands
Sur le chemin du vice
On tombe au fond du précipice
Dès qu’on met un pied sur son bord »

Florian ( 105 )

Un milan entreprit de plumer un pigeon
Qu’il tenait sous sa griffe
« Méchante bête je connais l’aversion
Qu’ont pour moi tes pareils
Heureusement il est des dieux vengeurs »
Le pigeon osa dire :
« Hélas je le voudrais ! »
« Quoi ! » s’écria le milan
« Dans ton audace impie tu oses douter
Qu’il y ait des dieux !
J’allais te pardonner
Mais pour ce doute scélérat
Je dois te sacrifier ! »