Un hérisson se perdit dans un terrier de lapins
Il entreprit de s’expliquer
En exhalant sa bile misanthropique
Contre ses nombreux ennemis de l’extérieur
Sans indulgence sans politesse
Pour finir il demanda asile
« Pourquoi pas ? » dit le doyen des lapins
« Nous partageons dans ce lieu la même vie
Dès l’aube nous broutons le serpolet
Et jouons sur l’herbe tendre
Chacun à son tour fait le guet
Ici tout est en commun »
« Tout ceci me convient très bien »
Dit le hérisson
« Installez vous donc » dit le doyen
Le hérisson s’introduit davantage
Pique un lapin puis un autre
On murmure il en blesse deux autres
On se fâche il s’excuse :
« Mon regret est extrême
Je suis ainsi fait et je ne puis me refaire »
« Très bien » dit le doyen
« Tu peux aller te faire tondre »
Florian ( 103 )
N.B. : Les fables 101 et 102 sont publiées deux articles après l’épilogue qui suit la fable 109 :
Dans le calice d’une fleur
Une abeille se délectait
Une guêpe s’approche
En l’appelant sa soeur
L’abeille se rebelle :
« Vous ma soeur depuis quand ? »
« Considérez moi je vous prie
J’ai des ailes comme vous
Ma taille est juste plus marquée
Que la vôtre
Nos corsages se ressemblent fort
Et si vous en voulez davantage
Nos dards sont aussi ressemblants »
L’abeille excédée s’envole
« Votre dard sert votre insolence
Le mien repousse l’offense
Vous provoquez je me défends »
Florian ( 100 )
Une fauvette jeune et belle
S’amusait à chanter
Tant que durait le jour
Sa voisine la tourterelle
N’aimait que faire l’amour
« Vous perdez votre jeunesse
Le seul plaisir c’est l’amour
La chansonnette ne vaut pas un amant »
La fauvette répond timidement :
« Je n’oserai pas nous comparer
Simplement j’ai mis mon bonheur dans mes chants »
A reculons se moquant la tourterelle
S’éloigne d’elle
Elles furent dix ans sans se revoir
Elles se rencontrèrent par hasard
L’âge avait altéré leurs attraits
Longtemps elles se regardèrent
Sans remettre leurs traits
Polie la fauvette est la première à s’avancer
« Comment vous portez-vous ?
Comment vont les amants ? »
« J’ai tout perdu belles années
Plaisirs amis
Mon bonheur était de plaire
Ombre légère
J’aime encore on ne m’aime plus »
La chanteuse répond :
« Je n’ai plus de voix
J’aime la musique
Le chant du rossignol
Me rend heureuse
La beauté est ennuyeuse
Sans le talent
La beauté passe
Le talent reste
On en jouit même en autrui »
Florian ( 99 )
Des animaux ne disaient que du bien
Du ver à soie
Ses fils si doux si fins
Si beaux en un mot
Seule une chenille y trouvait des défauts
Disant des « mais » et puis des « si »
Un renard s’écrie : « Madame file aussi »
Florian ( 98 )
Deux enfants se baignaient
Dans le flot pur d’une rivière
Un crocodile survient
Qui avale un enfant
L’autre s’enfuit en pleurant
A peu de temps de là
Un saint homme d’esturgeon
Entend le crocodile pleurer
« Le monstre aurait-il des remords ? »
Il s’approche prudemment
« Voisin j’entend gémir votre coeur »
« Vous avez raison
Je pleure d’avoir raté l’autre enfant »
Méfiez-vous toujours
Des larmes de crocodile
Florian ( 97 )
Un prêtre de Jupiter père de deux filles
Toutes deux assez gentilles
Fut content de les marier
Il avait peu de dot à donner
L’ainée avec un jardinier
La cadette avec un potier
Peu de temps après
Le père visite ses filles
L’ainée dit que tout va bien
Sans jalousie sans coquetterie
Sauf le manque de pluie
Qui gène le jardin
La cadette dit que dans son petit ménage
Amour travail santé sont au rendez-vous
Sauf que le soleil ne se montre pas assez
Pour sécher les poteries
De retour chez lui le père
Invoque Jupiter
« Je crois que dans ce cas il vaut mieux se taire
Et te laisser faire »
Florian ( 96 )
Le léopard dormait après midi
Au dessus de lui un écureuil
Gambadait sautait sur les branches du chêne
Il manque la sienne
Et tombe sur le léopard
L’animal se dresse en feulant
L’écureuil se fait le plus petit possible
Après l’avoir considéré le léopard dit :
« Je te donne la vie
A condition que tu m’expliques
Ta gaîté ton bonheur
Qui me font envie
Je suis si triste et je m’ennuie »
« Sire » lui répond l’écureuil
« Je dois la vérité
A votre bon accueil
Pour mieux vous parler
En toute sincérité
Sur cette branche un peu haute
Je souhaite être assis »
« Soit j’y consens monte »
« Mon secret c’est l’innocence
L’ignorance du mal fait toute ma science
Je dors sans remords
Vous tuez et mangez des animaux innocents
Je partage avec les autres écureuils
Nos herbes et nos fruits
Lorsque le bonheur nous vient de la vertu
La gaîté provient d’un bon caractère
Vous êtes du côté de la haine
Je suis du côté de l’amour »
Le léopard se dresse soudain
Et d’un coup de patte
Envoie l’écureuil à vingt pieds
« Je suis désolé vieux
C’est tout ce que je sais faire
Estime-toi heureux que je n’ai pas mis les griffes »
N.B. : L’ultime réaction du léopard est de mon seul fait
Florian ( 95 )
Jupiter au cours d’une conversation sincère
Demanda à Minos son juge des enfers :
« Comment expliques-tu que ta vaste demeure
Suffise à peine à loger les criminels ?
Je pense à l’intérêt l’intérêt égoïste »
« Non seigneur l’oisiveté «
Florian ( 94 )
Pour établir la paix
Un éléphant chassa les lions
Ils se soumettent
Un petit chien proteste :
« Eh ! Quoi ! Par quel édit funeste
M’oblige-t-ton à quitter ma chère patrie ? »
Un barbet autre petit chien l’entend :
« En quoi sommes-nous concernés ? »
« Pas vous moi »
Comment ça toi ? »
« Ne suis-je pas un lion ?
Ne vois-tu pas ma crinière ? »
Florian ( 93 )
« Je veux me corriger
Je veux changer de vie »
Me disait un ami
« Dans des lieux honteux
J’ai cherché le plaisir
Je renonce à l’indigne maîtresse
Que j’adorai toujours
Sans jamais l’estimer
J’abandonne le jeu
Je me retire du monde
Dans une retraite profonde
Je vais vivre pour la sagesse
Et mes seuls amis »
« Combien de fois vous nous l’avez promis ?
Quand commencez-vous ? »
« Dans huit jours »
« Pourquoi pas aujourd’hui ? »
« Il me faut des prétextes plausibles »
En cheminant nous étions arrivés
Au bord d’une rivière
Un jeune homme assis sur une pierre
Regardait l’eau couler d’un air impatient
« L’ami que fais-tu là ? »
« Il n’y a pas de pont
J’attend que l’eau cesse de couler »
J’interviens : » Si vous voulez passer
Apprenez à nager
Parce que l’eau ne cessera pas de couler »