Florian ( 32 )

Un poulain vivait dans un pâturage
Dont les eaux les fleurs l’ombrage
Faisaient un petit paradis
Le poulain se gorgeait de sainfoin
Se vautrait dans l’herbe fleurie
Galopait pour le plaisir
Il s’ennuyait
Il incriminait l’herbe l’onde l’air que sais-je ?
Il quitte pas peu fier
La prairie qui l’a vu naître
Il trotte à l’entour
S’éloigne arrive à une contrée escarpée
Aride sans herbage
Au bout de deux jours d’une malheureuse expérience
Il retrouve par hasard
Sa prairie toute fleurie
« Comme l’herbe est douce et tendre !
Rien ne vaut cet asile champêtre ! »
Nous cherchons souvent ailleurs
Ce que nous avons chez nous

Florian ( 31 )

Deux frères chats
Descendaient tous deux
de l’illustre Rodillard
Mais l’un était gros et gras
Dodu potelé frais et beau
L’autre n’avait que les os sous la peau
L’un ne faisait rien de toute la journée
Mais restait près du maître
Admis à ses repas
Laissant caresser son poil doux
Faisant patte de velours
L’autre courait tout le logis
Pour attraper quelques maigres souris
Il pensait que là était son devoir
Le secret de réussir
Est d’être adroit, non d’être utile

Hommage à Théodore de Bèze

Théodore de Bèze fut un grand leader protestant au XVI° siècle :

De grâce chère Agrafe
Agrafe qui retient les deux beaux seins
De ma maîtresse
Ces globes prodigieux
De neige et de rose
Prisonniers d’une aveugle prison
Agrafe libère ces tétins innocents
C’est Vénus elle-même
Qui t’obligera de révéler
A mes yeux et à mes mains
Les seins de ma maîtresse Candide

Hommage à Barbier

Auguste Barbier fut un remarquable « témoin de son temps » au XIX° siècle :

Mon vers rude et grossier
Est honnête homme au fond
Un lourd soleil chauffait les dalles
Dans Paris comme la mer qui monte
Le peuple soulevé grondait
De ses doigts sales il envoyait la foudre
Les élégants accroupis derrière un rideau
Pâles suaient la peur
La liberté n’est pas une comtesse
Qui met du blanc et du carmin
Qu’un cri fait tomber en faiblesse
La liberté est une femme forte
Aux belles mamelles
La voix rauque
Du feu dans les prunelles
Elle sèche nos yeux en pleurs
Elle écrase une armée
Elle broie un trône
Avec quelques tas de pavés
Mais, honte !, Paris
Si beau dans sa colère
Dont le monde entier est jaloux
N’est plus qu’un égout sordide et boueux
Un taudis regorgeant de faquins
Gueusant quelques bouts de galons
C’est leur part de royauté

Florian ( 30 )

Un enfant encore petit
Découvrit dans sa maison
Un miroir
Il aime son image
Puis par un trait fréquent
Il lui fait une grimace
Le miroir la lui rend
Furieux le bambin tend un poing menaçant
Il est menacé de même
Le marmot tout fâché
Se rapproche pour frapper
Il se fait mal aux mains
Il crie pleure gesticule
Sa mère l’embrasse le console
« Regarde mon chéri
Si tu souris il sourit …
Moi quand on me sourit je souris
Je souris même à l’avance
Mais quand on ne me sourit pas
Je souris quand même
Quand je peux »

Florian ( 29 )

Un singe avait du succès auprès de son maître
Qui montrait une lanterne magique
Le singe pour sa part dansait et voltigeait au mieux
Même sur un cordon
Le maître s’absente pour aller au cabaret
Le singe en liberté fait un coup de sa tête
Il rassemble les animaux de la ville
Chiens chats poulets dindons pourceaux
Arrivent à la file
Le singe criait à tue-tête : « Entrez, entrez,
Mesdames et messieurs
Je vous présente un spectacle nouveau
Qui pourtant est gratis »
Les animaux s’installent
En fonction de leurs affinités
Les volets sont fermés
Le singe imite à la perfection les gestes de son maître
Il criait : « Mesdames, messieurs
Regardez le soleil , la lune, les étoiles
Regardez nos animaux comme ils sont beaux … »
On entendait un murmure grandissant
Un chaton osa dire : « Moi, je ne vois rien »
« Moi non plus », affirma un dindon
Un pourceau sortit en grognant
Tous le suivirent sauf le singe qui continuait son discours
Il avait juste oublié
D’éclairer sa lanterne

Maïa

Ce poème est inspiré par Leconte de Lisle :

Dans un torrent de mobiles chimères
Surnagent voluptés brèves et haines amères
Le monde des sens reste obscur
Le ciel est splendide
Le mirage continue
Siècles et secondes s’abîment dans son ombre
L’éternité ment
La vie antique comme moderne est inépuisable
Car elle sort sans cesse du tourbillon des apparences
Que certains appellent Maya ou Maïa

Hommage à Laporte

René Laporte est du XX° siècle :

Le monde fabrique aussi la boue
Dieu est toujours propre et debout
Mais Il a voulu cette boue sur le monde
Le soleil est fier d’avoir des taches
Le ciel cultive ses typhons
Les volcans aiment cracher
Nous offrons la vitesse à vitres transparentes
Nous hantons le néant
Nous avons soif de haine
Nous sommes amoureux de nos chaines
Nous soignons le mal par le mal

Florian ( 28 )

Un bouvreuil dans sa cage
Enchantait par son ramage
A côté le corbeau
Fatiguait par ses cris
Il demandait du pain du rôti du fromage
On finissait par le satisfaire
Pour qu’il veuille bien se taire
Le pauvre bouvreuil ne demandait rien
il se contentait de chanter
On ne lui donnait pas grand chose
On l’aimait bien mais on n’y pensait pas
Le corbeau crie encore et ne manque de rien