Hommage à Voltaire

Voltaire fut tourmenté par l’ampleur du tremblement de terre de Lisbonne :

Que peut l’esprit ? Rien ou peu de choses
Il ne connait pas son propre sort
L’homme étranger à soi
De l’homme est ignoré
Qui suis-je ? D’où viens-je ? Où vais-je ?
Où suis-je ?
L’homme n’est qu’un atome tourmenté
Sur son tas de boue
Mais c’est un atome pensant
Qui calcule l’infini
Mais c’est un atome qui ne se connait pas
Son théâtre d’orgueil et d’erreur
Parle de bonheur
Les humains se plaignent, gémissent
En cherchant le bien-être
Nul ne voudrait mourir
Nul ne voudrait renaître
Les sages se trompent sûrement
L’immensité humaine est faite de défauts
De regrets de maux d’ignorance
Mais elle est faite aussi d’espérance

Hommage à Rémy de Gourmont

La très chère était nue
Ses yeux clairs faisaient pâlir la lune
La lune éphémère mère des rêves
Bleuissait le front fleuri d’étoiles de la très chère
La chimère dormait dans ses prunelles
Les bijoux donnaient sens à son apparition
La couronne surtout incrustée de pierres mystiques
Mais l’essentiel était que la très chère fût nue

La Ville

Pierre Quillard, vers 1900, m’a donné cette idée :

L’Illustre Ville se meurt
A l’ombre de ses murs
Autrefois élevés
L’herbe peuple les ruines
La vigne vierge s’empare
Des chapiteaux brisés
Des barbares déguisés en touristes
Foulent des rues devenues des pistes
Rien ne réveille plus les dieux
Même leur mémoire a disparu
Il ne reste que deux lézards
Qui se dorent au soleil

Amaryllis

Le cirque de la Lune avait besoin d’une sorcière. Ils ont trouvé Amaryllis. Elle est petite, maigrelette, voire très maigre. Elle est aigre, voire très aigre. Elle a un nez crochu comme dans la légende. Si elle ne jouait pas un rôle de sorcière, on la traiterait de vieille sorcière. il parait qu’à vingt ans, elle jouait déjà ce rôle. Elle se vante d’un mari que personne n’a connu.
Elle est habillée de noir, elle porte un chapeau pointu. Elle ressemble fort à la sorcière de l’Est dans « le magicien d’Oz », « the wizard of Oz ». Elle est méchante, elle est mauvaise, elle veut le mal. Elle cherche noise à tout le monde, y compris ceux qui essaient de l’amadouer comme Yaourt, de se mettre bien avec elle comme Babine. La sorcière ne ménage que la direction officielle et surtout le public qu’elle terrorise et fait rire à la fois.

Hommage à Agrippa d’Aubigné

Je crains de desservir le huguenot fervent, l’auteur des « Tragiques » :

Eh ! Vous, là, conseillers des grandes compagnies
Vous qui vous jouez de nos biens de nos vies
Vous comptez rendre la justice ou la vendre ?
Vous êtes sans loi, parjures, déloyaux
Vos balances inégales pervertissent la terre
Distribuent aux humains la violence et la ruine
A croire que le mensonge fut votre lait au berceau
Vous ressemblez aux serpents à la peau marquetée
A la tête en triangle à la langue sifflante
Ah ! Que ces orgueilleux fondent comme la glace fond en eau !

Univers

L’univers des formes a une unité secrète, la Forme, la forme des formes.
Pour ma part j’ignore complétement en quoi peut consister cette mystérieuse entité.
Nous revenons au point de départ, la matière existe bel et bien.
Vois plus loin que le bout de ton nez, mais respire par le nez.
L’humilité sied à qui a un peu d’orgueil.
La guerre des idées est inexpiable car il n’y a pas de solution.
Elle en devient un mélodrame, parfois comédie, parfois farce, jamais une tragédie
Il n’y a pas de tragédie au royaume des idées
Il leur manque la chair et le sang même si elles tuent ou blessent grièvement, cas le plus fréquent.
Bien sûr elles sont impuissantes, mais on tue en leur nom.
Parce qu’on se refuse à croire qu’il n’y a pas de solution.
Il n’a même pas de solution partielle en histoire.
On ne sait même pas quand commence le XXI°siècle. Si ça se trouve, il n’est même pas commencé.
Les physiciens n’ont pas à faire la leçon, eux qui ne savent pas ce que signifient les expressions : « Dark energy », « Dark matter », énergie noire, matière noire.
Les chroniciens non plus qui laisseront toujours, c’est-à-dire dans l’avenir prévisible, un milliardième de milliardième de milliardième de seconde entre le temps et eux.
La seule solution humaine est celle de la chauve-souris. Elle est souris, voyez son poil, elle est oiseau, voyez ses ailes.

Le Barj’

Barjot dit le Barj’ est petit sous lunettes. Il est enveloppé d’un grand manteau noir, grand pour sa taille. Son chapeau est mou. C’est tout ce qu’il y a de mou dans cette petite personnalité anguleuse. Il se déplace à toute vitesse en dépit de la petitesse de ses gambettes. Il crie beaucoup au nom de son Dieu, Louis Althusser. Althusser est le seul Dieu et le Barj’ est son prophète.
La direction du cirque pense à renvoyer Le Barj’ qui se refuse à tout compromis concernant son bien-aimé Althusser. Le Barj’ est entouré d’une sorte de mépris amusé, ça en fait un bon clown.

Hommage à Le Franc de Pompignan

A croire que la poésie du XVIII° siècle n’aimait pas les « philosophes » :

Malheur, malheur à toi
Ville lâche ville perfide
Ville de sang avide
De trésors prodigue
Crains le bruit assourdissant
Des chars d’assaut
Et des loups des steppes
Mais tu n’entends
Que les chars de carnaval
Et les flonflons du bal
D’ossements par milliers
La campagne était pleine
Mais les cadavres desséchés
Se sont relevés
Pour t’apporter à manger
Ville souveraine !

La pluie

Notre défunt Gustave Kahn m’aurait confié le soin de ce poème :

Gouttes perpétuelles
Fatigue universelle
Des nues à la rue
Tout s’embue
Lourdes maisons
Fronts vieillis
Papillons mélancoliques
Aux vols de peur
La pluie tombe triste
La lumière des réverbères
Tremble blafarde
Un manteau d’ennui
S’abat sur la ville
Qui par malheur
Est la mienne

Moi, Hétéro

Moi, Hétéro, je tonne et je tonnerai
Je pense ce que je pense et je suis qui je suis
Comme le disait Shakespeare
Les laches meurent tous les jours
Un brave comme Hétéro
S’éteint à la fin de ses jours
J’ai dit que je tonnerai et je tonnerai
Le bruit de mon tonnerre m’est agréable aux oreilles
De plus je ne produis pas d’éclairs
Je pourrais le faire et je ne le fais pas
Par considération pour la population
La laideur est moins importante chez moi que chez d’autres
Comme le disait Molière
Je préfère manger que me taire
Je sais que tout vient de mon verbe
Je m’exprime en français langue que j’affectionne
Je m’exprime correctement que je sache
L’anglais est pour moi plus difficile
C’est une langue barbare avec beaucoup de mots
Par contre la langue française est d’une richesse inouïe
Pour qui comme Guy et moi-même
La pratique au contact de ses poètes de ses poèmes
Donc, c’est décidé, je tonnerai en français