Babienne dite Babine est un autre personnage du cirque de la Lune. Elle est grande, massive, elle roule des yeux ronds, énormes, exorbités. Sa voix pourrait être profonde, elle est désagréable. Elle est obséquieuse vis-à-vis de qui lui parait plus important qu’elle, elle est méprisante, dès que l’occasion lui en est offerte, vis-à-vis de ses égaux. Ses vêtements sont couleur marron sale, elle porte un petit chapeau à plume.
Babine est plus un personnage de comédie que de cirque. Elle joue les utilités. Elle fait la foule, elle joue un public. Elle excelle dans les rôles de marâtre qui terrorisent un temps les petits enfants.
Hommage à Tailhade
Laurent Tailhade fut anarchiste au XIX° siècle :
Les parfums meurent dans le jardin des chrysanthèmes
Renouveaux lointains bonheur enfui
Tristesse lente et mystique des adieux
Bouquets de souvenir et non bouquets de deuil
Les derniers chrysanthèmes se sont fanés
La terre se pâme enivrée sous la paix noire de l’hiver
Elle prépare déjà le renouveau futur
Hommage à Valade
Léon Valade fut au XIX° siècle employé à l’hôtel de ville de Paris :
Dans mon madrigal amer
Je m’embarque sur la mer
La mer de tes yeux sincères
Sur l’azur glauque de tes yeux
Illuminé par des étoiles
Mes rêves font voile
Vers l’azur clair des cieux
Dans tes prunelles profondes
Mes rêves sont ensevelis
Je me trompe tu lis
Un livre transmis par les ondes
La France en paix ?
Ce poème a été inspiré par Gilles Durant de la Bergerie du XVI° siècle :
Une guerre envenimée secoue le beau pays de France
C’est celle de la paix
La vraie guerre est heureusement exotique
Mais la paix intérieure n’est pas gagnée
Trop d’intérêts divergents trop de bêtises
Je suis tenté de penser que le meilleur que je puisse faire
Pendant que le vent est contraire
C’est de ne rien faire et de me mêler de rien
Le soin des affaires publiques
Rend nos esprits mélancoliques
Mais il faut savoir oser
Ce serait trop facile si tout était aisé
Faute de me mêler de tout
Je m’intéresse beaucoup
Il faut tenter d’essayer
Hétéro n’est pas poète
Hétéro est-il en paix ? :
L’être humain n’a pas de ressentiment
Il vit en paix avec lui-même, son frère, le reste du monde
Sa résurrection a déjà commencé
Il sait que seuls les morts ne reviennent pas
Il se protège par l’action et la réflexion
Il s’essaie à l’honneur il ne trouve que du vent
Il ne se veut pas supérieur
Pourtant il le devient par son équanimité
Il essaie de mettre ses paroles en pratique
Beaucoup le regardent comme s’il était aliéné
L’homme moderne n’appartient plus à un seul projet
Les peuples n’ont de grand homme que malgré eux
L’être humain se dote d’une dignité Il ne trouve que des dignités
Il se persuade qu’il faut obéir à une loi supérieure
La Loi la Loi humaine s’entend
Il lui faut une rare puissance d’esprit pour la rencontrer et lui obéir
Tout va contre lui Il en vient à se mépriser lui-même
Pourtant certains résistent et se redressent
Hommage à Verhaeren
Emile Verhaeren, né en 1855, fut belge et fraternel :
Les usines nous regardent
A travers les vitres cassées
Elles se mirent dans l’eau grise
D’un canal droit et étroit
Qui se dirige vers les faubourgs
Sous un ciel peut-être bleu
Mais que les cheminées altières
Enfument avec de la poussière
Entre les monuments de briques
Les longs murs noirs
Pas un arbre pas une fleur
Quelques traces d’herbe misérable
Les usines halètent
Dans les fabriques symétriques
Battent des coeurs sourds
Hommage à Dierx
Léon Dierx fut un poète parnassien :
J’ai vu courir l’autre matin
Dans la prairie un ‘tiot gamin
Il sautillait comme un lutin
Il chantonnait des vers coquins
Il s’en allait comme en maraude
L’amour en fraude
On aurait dit qu’à chaque bond
Il redonnait vie aux ruisseaux
Aux fleurs et même aux vieux bouleaux
Le petit fou sans armes
Prenait des airs de vieux routier
Il arborait un drapeau rose*
Pour délivrer le monde entier
*Le drapeau rose est dans le poème de Dierx
Hommage à Louys
Puis-je avouer que je préfère de Pierre Louys, né en 1870, ses « Aventures du roi Pausole »?
De ses quatre fers mettant le feu au sol
Le cheval noir que nul n’attelle prend son envol
La crinière éparse en auréole
Il dépasse la voie lactée comme un astre immortel
Le flot sacré jailli sous ses sabots
Abreuve les poètes en deuil de leurs cultes disparus
Ils imaginent les mains jointes l’étalon noir
Dans les cieux défendus
Yaourt
Pensionnaire comme Kuku, Labache et bien d’autres du cirque de la Lune, Yaourt a un rôle bien particulier, celui du narcisse.
Une légende persistante et fausse voudrait qu’il soit tombé tout bébé dans un grand pot de yaourt, parfumé au miel de narcisses.
Yaourt est un narcisse. Il n’est pas atteint par le narcissisme comme beaucoup d’entre nous. il est un narcisse analogue à celui de la mythologie. Il adore se regarder dans une glace. Il se sourit d’un sourire délicat, minutieux pendant de longues minutes. Il s’adore. Il ondule devant la glace, c’est la pavane de son narcissisme.
Seule la mise en scène sophistiquée du cirque de la Lune permet de l’utiliser car il ne sait pas faire grand chose. Donc on le met en marge du spectacle et il joue son propre rôle, il s’aime devant une glace. Parfois il fait le tour de la piste car il pense qu’on l’adore, puis il se remet devant sa glace. Il n’est pas méchant à part ça. Ce qu’on lui reproche parfois, c’est son mauvais goût vestimentaire. Il n’aime que la couleur jaune. Mais c’est devenu son symbole distinctif.
Hommage à Racan
Honorat de Bueil, marquis de Racan, fut de l’académie française dès sa fondation en 1635 :
Il faut penser à prendre sa retraite
L’âge insensiblement nous conduit à la mort
N’avons-nous pas assez erré
Au gré de notre nef vagabonde ?
Les biens de la fortune sont périssables
Nous avons trop bâti sur le sable
Plus on monte dans la société
Plus on court de dangers
Ah ! que je voudrais effacer de ma mémoire
Tout ce vain espoir de gloire
Heureux qui a selon ses pouvoirs mesuré ses désirs
Il observe sans intérêt la mer grosse d’orages
Les vents porteurs de sinistres présages
Il se contente de regarder de loin la pompe du monde