Instant précieux

Quel soleil êtes-vous belle Uranie ?
Vos yeux embrasant l’horizon
Réjouissent mon coeur
D’une amoureuse ardeur
Mais voilà votre inconstance
Me tance
Vous ressemblez à une lune
Pâlotte
Lune ou soleil il faut choisir

Je vous compare bien vite
A une rose pourprine
Et sans épine
Je vous compare volontiers
A un triste rosier qui pique

Dans le monde entier
Allez savoir si votre renommée
Ne sera pas d’être écueil qui perd
Ou rade qui recueille
Onde et brasier Lune ou soleil
Rose et rosier

Espoir

Hété Clite a frappé à nouveau :

Tout ira bien demain voilà l’espérance
Tout va mal aujourd’hui voici l’illusion
L’espoir recèle toutes les joies
Les révolutions ne font que changer d’espérance
L’espoir emprunte au bonheur
L’espoir est immortel
Il est plus faux que vrai
Nul ne peut vivre sans espérer
Même la mort s’espère

Hommage à Marie

Marie Noel fut une grande poétesse au XX° siècle :

J’ai vécu sans le savoir
Comme l’herbe pousse
J’ai vécu sans espoir
En espérant toujours
Demain une rose
Une rose sans épine
Tombera dans ma main
Dans une larme
Je me noierai
Mon coeur est sauvage
Il ne supporte nul maître
Pourtant je sais qui
Pourrait me soumettre
S’il me surprend
Je tomberai raide morte
Je ferai un aller-retour
Vers ma vie saumâtre
Ma vie de marâtre
Sans amour

Hommage à Chartier

Alain Chartier au XV° siècle fut peut-être plus éloquent que poète :

Triste plaisir et joie douloureuse
M’accompagnent alors que je suis seul
Je ris en pleurant
Ma mémoire est oublieuse
De quoi ? Je ne me souviens plus
Ma vie est un fatras
Eh ! Toi, qu’est-ce que tu fais là ?
Je te retarde ?
Moins que moi

Fatrasie

La poésie peut-elle être un fatras ? La fatrasie est un genre médiéval simulant l’incohérence et touchant à l’absurde :

Le son d’un cornet à piston
Fit pisser le vinaigre
Qui s’en trouva fort aigre
De ne plus donner le ton
Les Anglais sont arrivés
Pour lui couper l’oreille
L’ourse sema du blé
De la ville à la vieille
La vieille étant sourde
Elle se mit à parler
Interrompant la gourde
Qui cousait le filet
de la grande ourse
Où se cache l’étoile
Du nouveau né

Hommage à Goll

Yvan Goll fut, au XX° siècle, un poète fécond et insolite :

J’ai débarqué un jour dans le port sans ville
J’ai failli frapper à une porte sans maison
Que m’a ouverte une femme sans visage
Il y a des villes sans souvenirs
Même le marteau en a plus qu’elles
Même l’horloge oublie le temps
Le port était-il là où je l’avais mis ?
Les docks étaient déserts
Pas un bateau
La mer était morte
Pas un oiseau
Je me suis enfoncé dans le sommeil
Afin de ne plus rêver

Haines

Hétéro Clite a encore frappé. Il me promet une avalanche de textes. Malheureusement je suis tenu par lui dans un pacte secret. De plus il s’exprime en vers ! Si on peut appeler ça des vers :

Le fondement du politique
Est la force qui s’oppose à la force
C’est un comble de force

La haine s’oppose à la haine
C’est un comble de haine

Certes la haine n’est parfois
Qu’un des masques de l’amour
Qui peut s’enlever bien vite

Mais qui aime vraiment la différence ?
Peux-tu passer sans les haïr
Parmi ceux qui te haïssent ?

Amour et haine se partagent le monde
Pas d’amour sans haine ?
Pas de haine sans amour ?

Mais parfois la haine est toute pure
Attirante par elle même

N’oublie pas que si l’amour ne l’emporte pas
Tu meurs par excès de haine

Hommage à Melot

Melot du Dy fut au XX° siècle l’un des meilleurs poètes belges :

J’allais par les routes grasses
Marcheur à moi seul pareil
Les mouches me prenaient pour le soleil
Les abeilles volaient vers leur miel
J’allais seul pareil à plusieurs
Quelques monstres me crachaient dans les mains
Je n’étais pas pressé
Je n’avais peur de rien
Dieu me protégeait même
S’il n’existe pas
Même s’il a autre chose à faire
Que de protéger les marcheurs
Du plat pays

Hommage à Hélinand

Hélinand de Froidmont vécut au XII° siècle :

Mort est le rêt qui tout attrape
Même les rois même les papes
Mort est terre à qui tout revient
A croire que tout lui appartient
Mort fait à tous bonne mesure
Venge chacun de l’injure
Met l’orgueil dans la pourriture
Rend douce le vie dure
Mort met fin à tout conflit
Ami je te vois blême dans ton lit
Je me félicite que ton esprit
T’aie conduit à bien vivre

Hommage à Maynard

François de Maynard fut poète au début du XVII° siècle :

Iris, ne veux-tu pas donner de beaux jours
A mes derniers hivers ?
N’oppose pas ton deuil à mon bonheur
Ton visage n’est pas fait pour rester voilé
J’aime ta jolie tête depuis cinquante années
Sous tes cheveux chatains puis gris enfin blancs
L’hiver de ta vie est un nouveau printemps
Si tu m’aimes même pour peu de temps