Les espionnes

Le belge Robert Goffin fut semble-t-il hanté par Mata-Hari :

Les espionnes sont des femmes fatales
Couteau révolver fusil d’assaut mitrailleuse
Elles portent des perruques
Leurs chignons sont postiches Elles y cachent quelque chose

Elles ont un langage chiffré
Leurs bagues contiennent du poison
Elles portent des culottes de soie même quand elles sont en coton
Leurs mains sont manucurées on dirait des oiseaux

Elles fouillent dans les affaires de leurs amants Elles décodent
Leurs ongles sont en couleurs
Leurs lèvres sont écarlates ou d’autres couleurs
Les espionnes se maquillent surtout les yeux et le coeur

Elles portent aussi bien la robe, la jupe que le short et le pantalon
La robe s’arrête actuellement au dessus du genou
Elles montent en l’air avec des cordes
Elles percent des coffre-forts Elles sont à la dernière mode

Elles montrent leurs seins Leurs décolletés sont prodigieux et sereins
Elles aiment réfléchir dans un bain mousseux
Elles marchent sur de très hauts talons ou des chaussures très plates
Les guerres tournent autour des espionnes comme des chevaux de bois*

Les espionnes se métamorphosent
Elles deviennent des espions en gardant leur vagin
Elles changent la couleur de leur peau et celle de leurs yeux
Elles font la guerre elles font la paix elles font l’amour*

Elles jouent elles font mat
L’univers est dans leur chatte
Les espionnes ne sont pas des hommes comme les autres
Les espionnes sont des femmes

* Vers de Robert Goffin

Classes sociales

Les modes de production à exploitation de classe se polarisent autour de deux classes opposées :
– Le mode de production asiatique ( M.P.A. ) et les formes voisines, dites « asiatiques », opposent la bureaucratie d’Etat à la masse des travailleurs, principalement les paysans, réduite à la « servitude généralisée », payant l’impôt.
– Le mode de production esclavagiste oppose les propriétaires à leurs esclaves, soumis à vie.
– Le mode de production féodaliste oppose l’aristocratie militaire des propriétaires terriens aux paysans réduits en servitude, contraints à des redevances diverses, dont la corvée.
– Le mode de production capitaliste oppose les détenteurs du capital aux salariés qui leur vendent leur force de travail.
N’oublions pas le mode de production antérieur à cette histoire, le mode de production communautaire, ni le mode de production des petits producteurs ( M.3.P. ) à exploitation familiale qui s’immisce généralement dans les modes de production à exploitation de classe.
La tentative de mode de production capitaliste d’Etat qui caractérisait l’Union Soviétique opposait la haute bureaucratie d’Etat, la « nomenklatura », à la masse des salariés.

Hommage à Marie de France

Marie de France fut au XII° siècle l’auteur de fameux lais, de courts poèmes :

Le chèvrefeuille a enlacé le coudrier
L’a pris pour tronc
Dessous les hautes branches
Ils durent l’un à l’autre
Accueillant les écureuils

Qui tue le chèvrefeuille joli
Assassine le beau coudrier
Le coudrier est Tristan
Le chèvrefeuille Iseult
Belle amie qu’il en soit ainsi de nous
Ni vous sans moi ni moi sans vous
De deux faisons un

N.B. : Le coudrier est le nom ancien du noisetier qu’on retrouve dans la baguette de coudrier des sourciers.

Hommage à Norge

Norge, pseudonyme choisi par un poète né à Bruxelles en 1898 :

Paris est comme Bruxelles
Un pays de montagne
Valeureux compagnons
Mettez vos pas dans mes pas
Comme moi je mets les miens dans les vôtres
Soyez purs soyez fins
Comme la première neige
J’entends déjà l’hiver
C’est trop haut ?
Grimpez, grimpez !
C’est un pays de silence
Celui qui ne chante pas juste est perdu

Paris

Depuis le XVII° siècle Paris semble abriter, en dépit de transformations gigantesques, des populations semblables. Au premier rang desquelles les pédants, les précieuses, les écrivains classiques, défenseurs du Bon Sens. Les pédants sont toujours nombreux, avec à leur tête l’inénarrable Finkielkraut. Malheureusement je ne vois pas les précieuses qui nous seraient bien utiles dans notre époque de vulgarité. Je ne vois pas non plus les défenseurs du Bon Sens. Pas de Molière, pas de La Fontaine, pas même de Bossuet. Il faut faire de la sociologie pour trouver les catégories manquantes. La France, ton talent fout le camp !
Il ne m’étonne pas que les pédants n’aiment pas la post-modernité, par exemple Koons. Elle les forcerait à réfléchir, à se remettre en cause, ce qu’ils ont oublié de faire depuis belle lurette.

Hommage à Péret

Benjamin Péret était surréaliste en 1925, avant et après :

Un ours mangeait du foin
Un chasseur tua l’ours
De l’ours sortit un chat
Le chat chassa le chasseur
Le chasseur perdit son chapeau
Le chapeau devint une auto
L’auto écrasa le lapin
Le lapin devint un cercueil
Le cercueil avala le train
Du train descendit une poupée
La poupée fit pipi au lit
Le lit devint un garde-champêtre
Le garde m’envoya paître
je suis une vache à part entière
Ma part n’est qu’à vous
Qui me faites coucou
Vous êtes un trublion
Et moi j’ai l’air con
Sans mon ours
Sans mon ours

Hommage à Belleau

Rémy Belleau fut une figure de la Pléiade :

Est malheureux qui n’obtient pas ce qu’il désire
Est bienheureux celui qui ne désire pas
Le premier souffre le martyre
Le second n’a que de pauvres appas

Le désir est un tourment brûlant qui nous altère
Ne rien désirer qui soit hors de son pouvoir
Vivre de presque rien offrent un sort prospère

L’un est dévoré par l’ambition sa flatteuse industrie
L’autre se croyant pauvre trahit son sang sa patrie
L’un pipé par le désir se gorge d’un faux plaisir
L’autre joue au favori vite victime du déplaisir

Le pire est le désir d’amour n’embrassant que le vent
Payé d’un dédain d’un mauvais visage souvent
Pire encore est l’esclavage d’amour
Qui te précipite de la plus haute tour

Le désir est un mal qui vain nous ensorcelle
Il est heureux celui qui jouit sans cervelle
Le désir nous déguise le faux pour le vrai
Mais le désir est aussi l’amour vrai du vrai

Hommage à Joachim du Bellay

Tout le monde connait Joachim du Bellay :

Je veux d’amour franchement deviser
Sans te flatter sans me déguiser
Les contre-amis éclatent en larmes feintes
Leurs soupirs sont d’énormes plaintes
Vents, pluies, orages
Flammes, glaçons
Mille outrages
Ta beauté devient or, perles
Marbre, ivoire
Lys, tulipes, oeillets et roses
Tant de grâces encloses !
Mon coeur se remplit de fiel
Je ne vois plus le même ciel

Hommage à Théophile de Viau ( 2 )

Une confuse violence
Trouble le calme de la nuit
Le jour à grand bruit
Dissipe l’ombre et le silence
Des bêtes dans leur tanière
Tremblent de voir le soleil
A peine sorti du sommeil
L’humain reprend sa tâche coutumière

Le cerf penchant ses yeux dans le ruisseau
S’amuse à regarder son ombre
Des oiseaux le joyeux ramage
Semble attirer la lumière
Qui vient dorer leur plumage
La charrue écorche la plaine
Le laboureur mène de la voix
Le couple de boeufs qui l’entraîne
La matinée est bien commencée

N.B. : Théophile a pondu par ailleurs ces deux vers dont Rostand s’est moqué dans son « Cyrano de Bergerac » :
« Ah ! Voici le poignard qui du sang de son maître
S’est souillé lâchement. Il en rougit le traître ! »

Hommage à Joubert ( 2 )

Le langage de la poésie doit être impromptu, mais clair
Il peut redonner vie à des mots disparus
Il peut imposer sa signification sensible
Car il recèle en lui-même la beauté de son harmonie
Il peut même impliquer une pluralité de sens
A tout cela il doit de conserver quelque chose d’obscur
Il donne à de simples métaphores le don de connaissance
Sous son désordre apparent il cache un ordre réel
La poésie doit être unique en son genre
Elle vient de la rêverie, de l’émotion, jamais de la réflexion
Un beau vers ressemble plus à un parfum qu’à un mot normal
Les mots du poète perdent leur sens quand ils se détachent les uns des autres
Rien ne vaut l’harmonie d’une poésie