Le ciel est trouble lui aussi
Pépère
Le pépère règne en bougeant
En s’agitant énormément
Il n’a pas d’ennemis mais il n’intéresse personne
On l’oublie volontiers alors qu’il est nécessaire
La seule solution est qu’il règne en silence
Tenant tout sans que personne le sache
La seule solution est la sagesse
Le pépère continue à agir
Pour le bien de tous
Le malheur de personne
Flambant neuf à un âge avancé
Il s’étend sur l’horizon à la vue de tous
Personne ne le voit peu importe
Le pépère s’impose à tous
L’ingratitude est son lot
Le pépère a de la gratitude
Pour ceux qui n’en ont pas
Philosophes
C’est peut-être dans le domaine de la philosophie qu’il convient de privilégier le plus les classiques. Il y a encore des philosophes sérieux, mais ils travaillent dans une quasi-obscurité. Les philosophes à la mode sont des pitres ou des facétieux. Leur philosophie n’est plus existentielle, elle est interstitielle. Seule possibilité pour certains, une philosophie personnelle.
Il faut dire que la philosophie n’est pas un discipline comme les autres. Livrée à elle-même, elle est davantage fondée sur notre ignorance que sur notre savoir. Elle doit absolument parasiter, peut-être couronner, une ou plusieurs disciplines solidement basées sur l’observation des faits et la rigueur du raisonnement. L’histoire de la philosophie, autre base possible, est une science comme toute histoire de la pensée.
Si tu t’intéresses vraiment à la philosophie, lis Platon, Spinoza, Kant en attendant quelques autres. Tu connaîtras ton bonheur. Prends ces grandes philosophies comme des hypothèses qui te font travailler et progresser. Foin de la philosophie dogmatique, vive la philosophie questionnante !
Addiction
L’être humain est un animal drogué. Il est bon qu’il ait un hobby. Il ne faut rien exagérer. Ne sois pas prisonnier de toi même. Ne transforme pas tes drogues et ton hobby en addictions qui suppriment ta liberté. Je suis trop directif ? Je rappelle les devises de Delphes dans l’antiquité : « Rien de trop » et « Connais toi toi-même ».
« Fais ce qu’il te plait », certes. La liberté est le principe. Mais la liberté peut se corrompre de l’intérieur. Tout ce que nous faisons socialement est soumis nécessairement à contrôle. Je le répète, ce contrôle doit d’abord être le fait de notre liberté elle-même.
Hommage à Borchardt
Rudolf Borchardt est né en 1877 :
Tu te veux malheureux
Tu veux ton malheur
Je ne suis pas telle que ton désir me voit
Je suis un gouffre pour tout ce qui n’est pas moi
Je ne suis pas égoïste je veux être moi
Tu m’aimes et je ne t’aime pas
Tu es le feu je suis l’hiver
Même si mes seins sont tièdes
Tu peux prétendre que je n’ai pas de coeur
Moi je sais que j’ai une âme
Hommage à Franz Hessel
Franz Hessel est né en 1880 :
Sous le rouge feuillage, mon ami,
Partageons-nous mes émotions ?
Le printemps rapide comme un vol de nuages
Ne me suffit plus
L’été ne me satisfait pas
Abondant, fiévreux
Me contraignant à la fraicheur de l’ombre
L’automne aux mille couleurs
Me réconcilie avec les saisons
L’automne le mal aimé
Aujourd’hui n’annonce pas l’hiver
Avertissement
Les sept poèmes anglais et allemands que je viens de translater sont dus à l’anthologie présentée par Stéphane Hessel, notre ami à tous : « O ma mémoire – la poésie, ma nécessité », Seuil, Paris, 2006.
Je me suis demandé si le goût de Stéphane pour Apollinaire ne venait pas en partie des accointances allemandes de celui-ci, Hessel étant lui-même né à Berlin.
Stéphane Hessel parle avec émotion de son père Franz Hessel. Je voudrais bien savoir dans quelle mesure ce père a servi de modèle à Jules dans le célèbre film de François Truffaut : « Jules et Jim ». Le poème de Franz sera le huitième dans ma série de translations.
Hommage à Rilke
Rainer Maria Rilke est né en 1875 :
La panthère au Jardin des Plantes à Paris
Est en cage
Son regard à force d’user les barreaux
Ne retient rien
Le monde est fait de barreaux
Au delà rien
La panthère au Jardin des Plantes à Paris
Tourne en rond
Sa puissante volonté est engourdie
Parfois se lève le rideau des paupières
Dans les pupilles indistinctes
Une image pénètre
Arrivée au coeur
Elle s’évanouit
Hommage à Hofmannsthal
Hugo von Hofmannsthal est né en 1865 :
Il court, il court le printemps
Son souffle dans les allées dénudées
A des effets étranges
Il berce, il se blottit
Il fait tomber, il fraichit
Il court le vent du printemps
Il apporterait presque une odeur d’hiver
Sauf que c’est le printemps
Hommage à Yeats
William Butler Yeats est né en 1865 :
Je rêve des voiles brodés du ciel
Ouvrés de lumière d’or et d’argent
Je rêve des voiles bleus et sombres
Dans la pénombre
Je voudrais les étendre sous tes pas
Mais attention ! Je suis pauvre
Je n’ai que mes rêves
Ne les écrase pas sous tes pas