Hommage à Théophile de Viau

Théophile de Viau ( début XVII° ) :

Un corbeau croasse juste devant moi
Il ne m’accorde pas un regard
Deux écureuils se poursuivent gaiement
A dix pas de moi
Ils ne m’accordent pas un regard
Qu’ai-je fait au Bon Dieu pour susciter l’indifférence ?
J’implore Lucifer
Il ouvre pour moi la terre
J’en aperçois le centre
Il ne me dit rien

J’ai perdu mon carnet d’adresses
Je dois rester chez moi
Il y a une ombre qui me presse
Je vois une colombe sur le toit
Pourquoi ça n’arrive qu’à moi ?
Un éléphant monte au clocher
La cloche sonne à la mâle heure
Sur la plus haute tour
Ma mie donne un baiser à Judas
Pourtant elle est là tout à côté de moi

Hommage à Montesquiou

Robert de Montesquiou ( vers 1900 ) fut peut-être un mauvais poète, mais ce fut un poète :

La plaine est éclairée par les lys
Les pétales des astres ont éclos dans la nuit
Notre route est remplie de fleurs
Plus beau tu meurs
Les anges baissent leurs yeux
Les hommes lèvent les leurs
Etoiles et fleurs se marient
Et toi tu ries !
Les pétales s’envolent vers les voutes
Et tu restes dans la soute !
Les étoiles raffolent des humains
Se trompent-elles de chemin ?

Hommage à Jodelle

Etienne Jodelle fut l’un des poètes de la Pléiade au XVI° siècle :

Dans la profonde forêt je me suis perdu
En mer j’ai eu droit à d’horribles vents
Dans les champs j’ai erré par une noire nuit
Je suis bien chez moi aujourd’hui
J’oublie tous mes maux
Forêt, tourmente et nuit
Surtout la nuit, longue, orageuse,
Ténébreuse
Ta clarté me ravit

Albert Camus

Albert Camus aurait cent ans. Il ne cesse de nous accompagner. Certaines de ses formules continuent à nous hanter, par exemple : « Nous luttons pour des nuances » ou : « Antigone a raison, Créon n’a pas tort ». Dès les années cinquante on associait volontiers pour mieux les opposer Sartre et Camus. Régine, déjà pep-timiste, mélange de pessimisme et d’optimisme, préférait le réformiste et angoissé Camus. Moi, qui me voulais révolutionnaire, je préférais l’engagement de Sartre. A notre époque que je juge droitière, je privilégie Camus.

Un problème douloureux est que Camus était pied-noir. On comprend que l’indépendance de l’Algérie l’ait divisé. D’où sa phrase : « Pour une femme on ne trahit pas sa mère ». Il me semble venu le temps de l’apaisement. L’indépendance de l’Algérie a signifié la mort d’un peuple, le peuple pied-noir. Certes, mis à part l’héroïsme de quelques militants communistes aux débuts de l’insurrection, les pIeds-noirs ont largement été les fossoyeurs de leur propre tombe. Il n’empêche, ce peuple a disparu.

Fourberie

Fourbe, le sexe est fourbe. C’est un voleur, un cambrioleur. Il s’invite partout, surtout là où il n’est pas le bienvenu. Je me souviendrai longtemps de ce personnage de Marcel Aymé qui ne pouvait pas regarder en face un trou de serrure. Michel Foucault a mis cinquante ans pour s »apercevoir que nos sociétés ne nient pas la sexualité, mais essaient de la contrôler, voire de l’organiser. Elles y réussissent partiellement, mais partiellement seulement, avec une sincérité à plusieurs niveaux. Certains tombent dans une sorte de pan-sexualisme. Ils ramènent tout au sexe. C’est aussi idiot que la position inverse. Dieu n’est pas un phallus, un phallus n’ est pas divin, enfin pas autant qu’il le voudrait. Toujours cette complexité menacée de l’extérieur ou plutôt de l’intérieur ! Ce puzzle auquel il manque une pièce, à moins qu’il y en ait une en trop. En attendant le fourbe se porte bien. Le foutre est fourbe alors qu’il est à l’origine de la vie.

Complexité

La complexité est faite d’éléments simples qui se compliquent à loisir. La structure de base de cette complication peut être appelée fractale. Dans le plus simpliste des langages, on peut dire que tout ce qui existe est fait de briques. A nous de trouver ces briques avec les moyens de la science moderne, molécules faites d’atomes, atomes construits à partie de particules infra-atomiques ( dont le fameux boson de Higgs ). En dessous encore les « quarks ». On s’arrête là pour le moment. Notre complexité est dons simplicité compliquée. En physique on résout quelques problèmes principaux. Dans nos petites existences tel n’est pas le cas.

Ce qu’il y a de plus complexe pour nous, c’est l’histoire, aussi bien nos petites histoires que la grande Histoire. Ici pas de fractale. Nous disposons bien de nombreux concepts, ils restent superficiels. Ils sont incapables de rendre compte de l’essentiel, le mouvement, c’est à dire l’histoire elle-même. CQFD. L’histoire est bien la science suprême.

Cousin, avec sa coexistence appliquée d’éléments différents, était-il plus proche de l’Histoire que Hegel, le grand destructeur ? Le problème est qu’il y a du vrai chez Hegel aussi avec sa dialectique, seul concept disponible du mouvement. Eclectisme et complexité ne sont pas près de disparaitre. La dialectique demande à être singulièrement affinée.

Eclectisme

Victor Cousin, « roi des philosophes » au XIX° siècle, était un spiritualiste affirmé, mais qui jugeait qu’il y avait du bon à prendre dans des écoles bien différentes, empirisme, rationalisme, idéalisme, voire mysticisme. Loin de Hegel qui jugeait que le faux est un moment du vrai, appelé à disparaitre, il maintenait la coexistence entre ces courants. Cette philosophie est officiellement abandonnée aujourd’hui. L’appellation « éclectique » est même une injure dans la bouche de certains.
C’est l’histoire de l’Europe occidentale qui donne raison à l’éclectisme. L’Italie, grâce à ses merveilleux XIV° ( « Quattrocento » ) et XVI° siècle ( « Cinquecento » ), est à placer sous le signe de l’esthétisme. La Grande Bretagne, à partir du XVII° , est dominée par l’empirisme. La France, depuis le XVII° encore, est marquée par le rationalisme. Enfin l’Allemagne, à la fin du XVIII° siècle, est devenue le centre de l’idéalisme.

Gaia

Notre monde vivant est un gigantesque ensemble interactif que Lovelock a appelé Gaia. Même si deux milliards de planètes sont peut-être vivables dans l’univers suivant nos critères terrestres, chacune a une histoire spécifique avec ou sans vie, des organismes vivants sans doute très divers. La différenciation des organismes est très poussée sur notre terre, notre seule patrie. Les organismes unicellulaires sont la base à ne jamais négliger. Chacun d’entre nous est un ensemble de cellules. Nous sommes couverts de bactéries, heureusement dans leur grande majorité apparemment inutiles et utiles. Les champignons, surtout les microscopiques, ont quant à eux pour charge, grâce à leur boulimie, de dépolluer la planète.

Hommage à Aristide

La gouaille d’Aristide Bruant, le chansonnier du cabaret « le Chat Noir » à l’extrème fin du XIX° siècle, est restée légendaire. Mon poème est à la fin le contraire du sien. De la translation je passe à la rotation :

Le ciel semblait suer sur Paris
Ca glaçait sous nos habits
Dans l’air pas un pigeon
On n’voyait p’us dans l’brouillard
Que des faux corbillards
Et des passants maussades
Y faisait si beau hier
Pourtant Y’riaient
Dans leur carrosse
Découvert sous la brume
Les jeunes mariés de l’hiver

Hommage à Tristan Corbière

Tristan Corbière vers 1870 :

Sagesse des nations :

L’éternité n’a ni début ni fin
Vise la si tu veux
Tu n’arriveras pas à tes fins
La rotation de la terre
N’a ni commencement ni fin
C’est sans fin
Les amoureux voient dans le début une fin
La fin est un commencement
Le commencement est une fin
Ce texte est une préface
Ou une épitaphe