Cruauté

La vie est cruelle. Elle est un combat perpétuel. Comprendre la vie, c’est admettre le meurtre, éventuellement le massacre. Le chat qui joue avec sa proie donne l’exemple de la torture. Résigne-toi à la cruauté vitale, n’en rajoute pas avec une méchanceté artificielle qui est de l’ordre du pire dans l’humain. Pour l’essentiel la vie est cruelle par nécessité, elle ne l’est pas par caprice.

Apparence

Apparence, tout est apparence. Reviens toujours à l’apparence. Elle seule est vraie. Il est de ton droit et de ton devoir de te perdre un moment, éventuellement un long moment, dans tes élucubrations scientifiques et artistiques, par exemple médicales et littéraires. Il faut savoir revenir à l’apparence. Elle est phénoménale, elle est existentielle. L’apparence est complexe, tu n’en tiens jamais tous les aspects. Pourtant l’apparence, c’est toi. Tu n’es rien d’autre qu’apparence. Dialogue avec les apparences. Amadoue les. Va, prend ton petit déjeuner, bavarde, regarde tes écrans, fais ton jogging, essoufflé, mais heureux. Le bonheur n’est qu’apparence. L’apparence est apparition.

Le temps

Tout ce que je sais, c’est que je suis dans le temps. Je ne sais pas ce qu’est le temps. Pour moi l’espace se réduit au temps. Je ne dis pas deux cent kilomètres, je dis deux heures. Je ne sais pas ce qu’est le temps. Je suis submergé par différentes formes de temps, atomique, cosmique, vital, vécu… J’essaye de maîtriser le temps de mon vieillissement, celui de ma vie quotidienne… Je ne sais pas ce qu’est le temps. Je suis hanté par mes horloges, elles se présentent à l’extérieur du temps comme des repères terrestres sur la berge d’un fleuve… Je sais que notre chronomètrie est presque parfaite, presque car il y a toujours un interstice minimal, en quelque sorte infinitésimal, entre nos observations les plus exactes et l’écoulement du temps. Je ne sais pas ce qu’est le temps qui est cependant mon obsession sous la forme du temps historique, des temporalités historiques. Les dates ne sont pas le temps. Elles sont des repères fondamentaux. Je ne sais pas ce qu’est le temps 🙂

Hommage à Charles Cros

Charles Cros fut au XIX° siècle l’auteur d’un poème célèbre sur le hareng saur et l’inventeur du phonographe :

J’adore les pastèques
Quand elles sont mures
Et les harengs saurs
S’ils sont sûrs
Je fais des vers
Sans pataquès j’espère
Je dis la vérité
La mienne en vérité
La raison dont j’ai hérité
Ne rapporte pas un sou
J’ai caressé des femmes
J’ai mordu des pommes
Je me suis tordu le cou
Je vaux bien un roi
Ou du moins un évéque
Disons un colonel
J’aime les pastèques et mon phonographe
Mes valeurs sont ailleurs
Je suis un retraité de l’enseignement
Où sont les pensées sans pleurs
Que vous m’avez promises ?
Où sont les pastèques ?
Je ne les trouve pas dans ma bibliothèque

Hommage à Jean de Sponde

Jean de Sponde, deuxième moitié du XVI° siècle :

La plus orgueilleuse vie
Bravant la mort
Subira sa fureur
J’ai vu de clairs éclairs
Précéder le tonnerre
Sans connaître l’orage
Mon lion rugissant
Est désormais sans rage
Vis le mieux que tu peux
Il te faudra mourir

Hommage à Alfred Jarry

Alfred Jarry, vers 1900, fut l’auteur d' »Ubu roi », mais aussi des « Minutes de sable mémorial » :

Le livre est un arbre sorti du tombeau
Seul certains historiens le lisent sans péril
Ses feuilles volent au vent vorace
Et partent en lambeaux
Ses signes sont des flammes ou des corbeaux
Tes lèvres qui s’ouvraient à la parole ailée du hibou rapace
Se ferment sur les signes morts issus d’un lointain passé
Qui sait quand les corps mourront ?

Fractales

L’ordre, le niveau, le hasard. Prenons une plage : elle présente un certain ordre. Mais qu’y-a-t-il de commun entre la plage vue par une fourmi et celle vue d’un satellite. C’est la question du niveau. Mais la différence entre les niveaux est gigantesque. Inévitablement le hasard s’introduit, le hasard signifiant ici qu’un autre ordre de déterminations intervient.
Ma présentation n’est que littéraire. Les mathématiques fractales, proposées par Mandelbrot, il y a plus de quarante ans, ont été une percée décisive.

Hard

Hétéro Clite présente ainsi la pensée de Dhoquois :
A onze ans le petit Guy, de basse extrace, était tout perdu en classe de sixième devant l’avalanche des matières et le nombre des professeurs. Il n’a résisté que dans une seule matière, matière de mémoire : l’histoire. C’est dans ces conditions qu’il voulu devenir professeur d’histoire.
Dans l’été de ses seize ans, Guy a découvert la philosophie dans l’Ethique de Spinoza. Il a été émerveillé. Il a conservé cet émerveillement. Mais la philosophie, associée à des notes médiocres, lui paraissait inaccessible. Il a décidé de rester en histoire.
Dans le même temps, sous plusieurs influences dont celle du théoricien anglais Toynbee, il décidait de se spécialiser dans la sociologie historique, qu’il appelait une expression moderne pour la philosophie de l’histoire.
Un peu plus tard il a rationalisé son point de vue. Laissée à elle-même la philosophie va vers le vide. Il lui faut un terrain concret, empirique. Pour Dhoquois ce serait l’histoire. Dhoquois est-il un philosophe refoulé ?

Platon

La pensée de Platon peut être décrite comme l’ascension d’une montagne. Au sommet les nuages, les merveilleux nuages, ou les nuées moquées par Aristophane, c’est à dire les idées transcendantes qui seraient seules essentielles, mais qui pour beaucoup sont inaccessibles. A un moment l’escalade qui se fait par petits groupes rencontre un obstacle infranchissable, en termes logiques une aporie. Il faut redescendre en se promettant de recommencer à la première occasion car l’amour de l’idée est plus fort que tout.
Ainsi présentée la pensée de Platon ne peut être dogmatique. Elle ne l’est que si elle devient religieuse, chrétienne ou musulmane. Aristote présente un corset de concepts de base, utilisés dans la vie quotidienne. Sa pensée est dogmatique, ce qui ne lui enlève pas une validité essentielle. Les derniers platoniciens paiens comme les premiers théologiens musulmans ont constaté une division du travail entre les deux géants de la pensée antique, résumée par Raphael, dans une peinture célèbre : Aristote désigne la terre, Platon le ciel, le ciel des idées.

Zoé

Zoé fut une souveraine puissante quelque part il y a longtemps. Nous présentons une imploration qui lui fut adressée :

Reine et prêtresse
En ce monde de gêne et de déplaisirs étranges
Installe notre idole du bonheur
Parée par nous de baisers et de rires

Reine de vie
Veux-tu gravir l’espace qui nous sépare
Précipices inexorables noeuds de vipères
Sur le chemin égaré orné de gibets

Tu donnes espérance et volonté
Gouverne nous à ton gré
Inflexible capitaine
Notre traversée t’est confiée
Grande prêtresse
En toi navigue le bon pilote