Un alambic de merveilles errantes
Sous les pavots en fleurs
Et l’organdi
La lumière magicienne
Au faux soleil
De mon lit
Découpe à mes yeux alanguis
La vapeur d’or rouge
D’un alcool
Qu’enfante la démente
Elle s’est engloutie
Dans la licorne et le tiroir d’argent
Avant que ne glisse
La force immense
Intelligence
L’être humain est un animal qui met beaucoup d’intelligence à être bête.
Une bêtise répandue consiste à nier notre animalité pour tomber dans la bestialité.
Pascal disait : « Qui veut faire l’ange fait la bête ».
Le Faust de Goethe a tort de préférer la jeunesse à la connaissance. De toutes façons il rate les deux.
Nos amies les bêtes nous donnent de fréquentes leçons d’humanité.
Chaque chat a un nom, mais il est seul à le connaître.
Estampe
A la fin de sa course
La jument vers la source
A tendu son museau.
Enfouie dans les roseaux
Elle entendait son galop marin.
Elle voyait son image haletante
Fuir l’eau tremblante.
Elle est partie apaisée.
Sous le soleil ensanglanté
L’eau bourbeuse a avalé les pattes.
La jument est morte silencieuse
Laissant l’eau troublante s’évanouir.
M.P.A.
J’ai découvert le concept de mode de production asiatique ( M.P.A. ) dans la revue marxiste, proche du parti communiste, « La Pensée », en 1965. La controverse datait de 1963-1964. J’ai rapidement réagi par un article, publié en 1966 dans la revue dirigée par Gurvitch, « les cahiers internationaux de sociologie ». Je vivais alors à Alger, mais je n’ai jamais pensé que le concept corresponde à l’Algérie historique, trop diverse. J’imaginais plutôt la Chine impériale.
Le M.P.A. représente une société traditionnelle, pré-capitaliste, fortement dominée par l’Etat, non seulement par l’impôt, mais dans l’organisation de la production. Le modèle classique est hydraulique, l’Etat contrôle l’irrigation.
Les divers modes de production, au sens marxiste du terme, n’ont de sens qu’au niveau de l’histoire universelle. Il suffit que l’historien se rapproche quelque peu du concret pour que leur concept perde presque toute son importance. Mais il permet l’histoire comparative des sociétés historiques.
Le M.P. asiatique est mal nommé puisque l’Egypte pharaonique et le Pérou inca entrent dans cette catégorie. Dès la fin des années 60 j’espérais un colloque international pour unifier le vocabulaire. Je l’attends toujours. On a même parlé de « despotisme oriental ».
Une autre raison de mon intérêt pour le M.P.A., encore aujourd’hui, est qu’il montre que l’humanité ne suit pas les mêmes étapes historiques. Tout le monde ne fait pas la même chose au même moment. L’Occident a bel et bien choisi une voie originale.
Une troisième raison de mon intérêt pour le M.P.A. est qu’il montre que l’économie, toujours déterminante, peut être dominée par l’Etat, dans un système despotique. Le Politique reprend ses droits. Le M.P.A. m’aidait dans ma critique du capitalisme d’Etat, du despotisme contemporain représenté par l’U.R.S.S., par l’Union Soviétique, contrairement à ses promesses initiales puisque Soviet signifie Conseil.
Civilisations
Au XVIII° siècle le terme civilisation désignait le fait d’être civilisé. Ce n’est qu’au XX° siècle que la diversité des civilisations humaines a été pleinement reconnue, par exemple par l’Anglais Arnold Toynbee. La civilisation n’est qu’un concept complexe, approximatif, abstrait d’une réalité plus ou moins connue. Aucun conflit matériel n’est possible entre de tels concepts. L’hydrogène ne se bat pas contre l’oxygène ni même le baroque contre le classicisme, ce qui n’empêche pas les débats d’idées. Il n’y a donc pas de telle chose comme un conflit de civilisations, notion à la mode en ce moment, notion dangereuse parce qu’elle signifie la guerre.
On peut toujours dire de quelqu’un qu’il est cultivé, qu’il a de la culture. Par contre, dans une évolution analogue à « civilisation », le mot « culture » désigne depuis quelque temps, grâce aux ethnologues, l’ensemble des caractéristiques matérielles et réelles qu’on attribue à une population donnée à un moment de son histoire. Là on imagine bien que les conflits sont nombreux, à des niveaux différents. Par exemple l’autre devient un mangeur de choses immondes.
Le conflit de civilisations serait une guerre inexpiable entre essences différentes au point d’en être opposées, par exemple entre l’Occident et l’Islam, en oubliant par exemple que l’Islam est une religion occidentale, monothéiste, héritière du judaïsme.
Le conflit de cultures est une opposition conjoncturelle d’existences, de moeurs et de manières, appelée à évoluer, parfois rapidement. C’est ainsi que le plat national des Français est sans doute devenu le couscous.
N.B. : Je n’ai fait aucune allusion au large concept allemand de « Kultur ».
Le Mal
Laissée à elle-même, la liberté humaine va vers le Bien. Je prends ici le contrepied exact de Saint Augustin.
Comment se fait-il que partout les humains aillent vers le Mal, au moins partiellement et parfois radicalement ? Le Mal vient de l’extérieur.
Malheureusement les humains l’intériorisent, en font une part de leur personnalité, parfois avec fierté. C’est le principal de leurs syndromes.
Le syndrome du Mal est d’abord un traumatisme. Dès la petite enfance, il provient de nos terreurs, de nos angoisses, de nos désillusions, de nos échecs trop réels.
Notre amour-propre se barricade contre ses ennemis véritables ou supposés. Il persiste à se vouloir supérieur. Il pense dominer le monde parce qu’il le rêve.
Ces processus divers et réitérés seraient insignifiants s’ils ne s’enfonçaient dans notre mémoire et d’abord la pire de toutes, celle dont on ne se souvient pas. Je l’appelle subconscient.
Je suis traumatisé par le nombre de femmes et d’hommes de la gauche prétendument idéaliste qui sont de fait du côté du Mal. Ils se disent réalistes, fins tacticiens, suffisamment habiles pour laisser sa place au Mal. En fait c’est lui qui prend leur place.
Il est vrai que le Bien prend bien des aspects contradictoires, souvent difficiles à démèler. La Tolérance est nécessaire au Bien chez les humains.
L’imagination humaine est la meilleure et la pire des choses.
Que reste-t-il de la liberté concrète, la seule qui vaille, au milieu de multiples traverses ? Cette Liberté trop humaine va parfois vers le Bien, parfois vers le Mal.
Tout est complexe et contradictoire.
N.B. : On aura remarqué que je ne parle dans ce court article ni de la Bêtise, ni de la Vanité, sinon de façon implicite.
Laideur
J’avais une amie d’une remarquable laideur.
Celui que j’ai mentionné, l’ami étranger, l’a rencontrée. Dès qu’elle fut partie, il déclara : « Qu’est-ce qu’on peut faire avec une femme comme ça ? ».
Eh bien ! Ce qu’on peut faire avec toute femme de qualité, l’amour éventuellement, l’amitié à coup sûr.
Ce jour là, le ciel m’est tombé sur le tête. En définitive je l’aimais bien, ce faux ami.
Le culte de la beauté peut être d’une grande laideur.
Tortue
Hétéroclite parle de Dhoquois :
L’ami Dhoquois est entouré depuis l’enfance par une muraille invisible. On ne peut le toucher que de face, avec son accord, à la suite parfois d’une séduction. Il s’agit pour moi d’une cuirasse au sens de Wilhelm Reich, voire d’une carapace.
Associée à d’autres caractéristiques, lenteur, réserve, un brin de misanthropie, Dhoquois, si l’on devait le comparer à un animal, serait une tortue, en aucun cas un lièvre, encore moins un lévrier.
On l’a comparé à un chat : impossible, Dhoquois est lourdingue, il n’a pas le charme, la grâce d’un félin. On l’a comparé à un écureuil : impossible, il ne sait pas descendre la tête en bas et manque de panache.
Je persiste et signe : Dhoquois est une tortue.
N.B. : Moi, Hétéroclite, homme à tout faire, métis d’essences diverses, je tiens à rappeler un principe universel, trop souvent oublié : « Le tort tue et le tort tuera ».
M.3.P.
L’innovation théorique dont je suis le plus fier est le M.3.P., expression québécoise, alias le M.P.P.P.. soit le mode de production des petits producteurs. La tradition marxiste met en valeur les modes de production à exploitation de classes, l’esclavagisme, le féodalisme, le capitalisme. Elle a du mal avec la voie alternative du mode de production dit asiatique. Engels l’oublie même carrément. C’est qu’elle est fondée sur la propriété publique des moyens de production alors que les précédents le sont sur la propriété privée. Face au capitalisme, c’est la propriété privée qu’il s’agissait d’attaquer. Le point de vue tactique l’emportait sur une vision universelle.
Mais, dans les failles, voire les interstices, de l’exploitation de classe, existe un M.P. fondé sur de petites entreprises familiales, à la fois unités de production, de consommation et de reproduction de l’être humain. Ce M.3.P. a été particulièrement important dans l’histoire du Québec, de la colonisation française au triomphe du capitalisme.
Si la production est toujours fondamentale, elle est dans certains cas recouverte par d’autres instances, le politique dans le M.P.A., en attendant le capitalisme d’Etat du XX° siècle, la famille dans le M.3.P. Celui-ci n’est donc pas à exploitation de classe, mais à exploitation familiale. Il existe généralement en dessous des oppositions officielles de classes, par exemple dans la paysannerie soumise aux féodaux.