Dés ma découverte en 1965 de la discussion marxiste du concept de « mode de production asiatique » (1963-1964 dans la revue « La Pensée » ) je me suis posé la question de la pertinence de ce terme : « asiatique », d’autant plus que des exemples majeurs de ce mode de production sont américain avec le Pérou inca, africain avec l’Egypte antique. J’ai fini par proposer au début des années 70 un colloque international pour unifier le vocabulaire. Ce symposium ne s’est jamais tenu.
Aujourd’hui je saute le pas. A la place d' »asiatique » je propose « tributaire ». Toutes les sociétés dites « asiatiques » ont en commun que la classe dominante prélève le tribut sur les populations soumises. C’est ainsi du reste qu’elle se définit.
Un problème secondaire est que ma définition du mode de production « asiatique », conforme à la tradition, comporte l’existence des grands travaux d’Etat. Le mode de production que j’appelle désormais « tributaire », à cause de ce fameux tribut, correspond à la vaste série des modes de production « sub-asiatiques », sans grands travaux, pas assez en tout cas pour les caractériser.
Mais alors le mode de production « asiatique » ? je propose de l’appeler désormais mode de production super-tributaire, avec ses grands travaux.
Troisième et dernier cas de figure : les modes de production que j’ai appelés « para-asiatiques ». Ils sont fragilisés par la contradiction létale entre leur sommet étatique et la base clanique et tribale. Elle les rend provisoires. Pourquoi ne pas les nommer : « pseudo-tributaires » ?
« Pseudo-tributaires » seraient la Grèce mycénienne du II° millénaire avant le Christ et le Japon de la fin du I° millénaire après le Christ. La première cherchait à imiter principalement la Crète, le second plagiait la Chine. Le pseudo-tributaire serait un cas d’imitation qui n’a pas réussi.
A noter que la Grèce et le Japon se situent aux bords extrêmes du continent asiatique, l’une à l’Ouest, l’autre à l’Est. Deux marginalités en quelque sorte.
P.S. : Remarquons aussi qu’à part cette tentative grecque, partielle, éphémère, l’Europe s’est montrée réfractaire au tributaire, à « l’asiatisme », sauf la Russie qui de ce fait ne fait pas tout à fait partie de l’Europe.