Il ne faut juger de rien

L’une des premières choses que j’ai dites à la petite jeune fille qu’était alors Régine fut : « Il ne faut pas juger ». Bien entendu, je n’ai pas tenu. Le jugement vous tombe dessus par derrière.
Avec le temps il est cuit et recuit. J’ai la haine. Par exemple je suis sûr qu’un économiste de ma connaissance traîne une odeur de merde et ne parle que la bouche pleine. Rien n’est moins évident. Un perpétuel apprenti psychanalyste se caractérise surtout par le fait qu’il n’écoute pas ce qu’on lui dit. Là il y a du vrai.
Que faire devant la nécessité de juger pour agir ? Il me semble qu’il n’est pas mauvais de juger le moins possible et de la façon la plus positive possible. Je ne suis pas sûr qu’il y ait à proprement parler une bonne solution.
Sans trop me le dire je cherchais un alter ego ou une alter « ega », c’est à dire l’identité. Je suis en train d’y renoncer. Ce que j’ai rencontré avec Régine, c’est la complémentarité des contraires. Elle et moi sommes le contraire l’un de l’autre. Elle est concrète, je suis abstrait ; elle est active, je suis passif ; elle est rapide, je suis lent ; elle a peu de mémoire, j’ai misé sur elle… Il y a un miracle de l’amour conjugal qui fait que le moitié des couples tiennent sur Paris.
Ma faculté de juger est en lambeaux. Ce qu’il en reste m’est nécessaire au risque de l’erreur. Pourtant l’erreur me fait horreur. Nos vies sont des films d’horreur, le sachant ne le sachant pas, sous les dehors de la comédie quotidienne. Ne désespère jamais.