Sport

Les humains sont joueurs. Le jeu est une activité essentielle pour eux. Ils se prennent au jeu. A n’importe quel jeu. On les voit s’évertuer, se passionner. De n’importe quoi ils font un jeu. Ils y excellent bientôt.
Le jeu associe le meilleur et le pire. Les jeux sont très différents les uns des autres. Certains sont du hasard pur. D’autres mettent en jeu les plus hautes fonctions de l’intellect, par exemple la capacité d’analyse stratégique. D’autres encore valorisent les performances physiques.
Le jeu est passionnant. Il suscite les passions. Il propage les passions les plus déshonorantes. Le culte du hasard devient superstition. Le goût de la victoire devient rivalité sanglante ou sournoise. Les narcissismes s’en donnent à coeur joie, de l’individu isolé à la grande nation, de la petite ville à la grande.
L’argent s’en mêle. Les grands talents sont récompensés par des sommes folles. Encore sont-ils bien de grands talents. Comme ailleurs les talents sont rares, les grands talents sont très rares, les génies sont rarissimes. Nous sommes depuis longtemps arrivés au sport, activité essentielle en soi et pour nos sociétés, pour les hommes de sexe masculin comme pour les femmes.
Le sport est un miroir de la société avec ses hontes et ses misères, ses coups doubles et ses exploits, avec ses drogues de plus en plus élaborées. Il est humain d’être sportif, il est sportif de rester humain.
Les sports collectifs, comme le rugby, exaltent l’esprit d’équipe. Les sports individuels saluent la performance. Il ne faut pas mettre celle-ci au dessus de tout, il ne faut pas la nier non plus. Le jeu et le sport, qu’on les critique ou qu’on les adore, en appellent, comme tout, à l’esprit de mesure.
Ils en appellent à la politesse qui réduit les antagonismes. Pour le sport a été inventée une belle expression: le fair play, le joli jeu, le jeu correct.
Parmi les sports individuels, en dehors de l’athlétisme, je préfère le tennis, invention si british. Je le regarde en ce moment, en vous écrivant, puisque c’est le temps du fameux tournoi de Roland Garros. Ce n’est pas tant parce qu’une partie de tennis n’est jamais finie tant qu’elle n’est pas achevée, tout pouvant se retourner in extremis, sur un coup de raquette et sa suite victorieuse, le temps d’une partie étant extensible. Ce n’est pas tant parce qu’on ne peut gagner qu’avec au minimum deux points d’avance. Etc… C’est parce que l’antagonisme qui parait naturel aux humains est canalisé par une raquette, une petite balle, un filet qu’on n’a même pas le droit de toucher avec une partie de son corps. Le duel se déroule sans contact direct.
Rappelons enfin l’essentiel, pas de jeu, pas de sport sans règles, créatrices du jeu, et sans respect intangible de ces règles.