Je hais, donc je suis

J’ai la haine. La haine fondamentale est contre tout ce qui a fait du mal à ma mère, abandonnée à la naissance, fille de l’assistance publique, restée marginale, cependant mariée.
J’en veux à ma mémoire de privilégier la haine. Il faut faire l’effort de se souvenir des bons moments qui ont été légion.
Pour moi personnellement il n’y a eu que quelques moments de haine. Contre une brave mère de famille, venue se plaindre d’un exercice que tous les élèves avaient réalisé, mémoriser une carte de géographie. J’avais vingt ans.
Contre deux collègues qui me doivent leur carrière et qui se sont signalé par une ingratitude crasse. Normal me direz-vous, d’autant plus que l’un est dans les vaps et l’autre shizo.
Contre les économistes qui refusent la pluridisciplinarité. Ils n’ont pas tort puisqu’on les laisse faire…
Le problème est que j’aime la haine. Elle me tient compagnie. Je préfère certes l’amour trop rare, trop diffus, souvent déçu…
De la haine je ne fais pas un problème. Il est inutile de se venger. C’est une perte de temps. Surtout, si j’ai raison, la vengeance viendra toute seule, elle n’a pas besoin de moi.
En fait je dispose de deux sortes de haine, l’une est brûlante, un feu, l’autre est froide comme l’acier… L’une pétille, disparait, l’autre dure, dure… Mais j’en suis content…
La haine de feu concerne mes petits cas personnels. La haine d’acier s’oppose aux vastes systèmes d’exploitation sociale qui ont fait l’Histoire. Toutes ces haines naissent de l’injustice.