J’ai adhéré à la S.F.I.O. la veille de mes dix-huit ans. J’étais profondément socialiste. Du moins le croyais-je. Marx ne m’intéressait pas particulièrement. Je me cherchais plutôt du côté des utopistes français.
Puis j’ai évolué sous de multiples influences, en particulier la guerre d’Algérie et la trahison de Guy Mollet, président du conseil S.F.I.O. en 1956. Dès 1958 j’étais à la fondation du P.S.A., parti socialiste autonome.
Je lisais peu à peu Marx et Engels, à commencer par leur » Manifeste du parti communiste ». J’aimais singulièrement Engels, son « Anti-Dühring ». A vingt-trois ans, en1961, je me suis rallié au marxisme.
Je suis resté fidèle à cet engagement. mais aujourd’hui je me dis marxien. Depuis 1972 mon mot d’ordre est : « Le marxisme est mort, vive Marx ! ».
J’ai lu la totalité du « Capital », y compris le deuxième tome si aride et plat à cause de la maladie de Karl, j’ai lu les articles de soutien au président Lincoln, la réponse à la citoyenne Véra Zassoulitch, où Marx montre un certain embarras face à la Russie : contrairement à Engels il lui laisse la possibilité de brûler les étapes historiques sur la voie du socialisme.
Engels s’est montré plus « marxiste » que Marx qui disait qu’il n’était « pas marxiste ». Engels dans son étude sur « les origines de la famille, la propriété privée et l’Etat » refuse toute autre ligne d’évolution que l’occidentale : esclavagisme-féodalisme-capitalisme, tandis que Marx esquissait une voie »orientale » dans ses études sur l’Inde, en faisant une rapide allusion au « mode de production asiatique ».
Marx est pro-capitaliste. Il considère que le capitalisme est un gigantesque progrès par rapport aux sociétés qui l’ont précédé. Lénine s’en souviendra en instituant en 1921 la N.E.P., nouvelle politique économique pro-capitaliste.
Disciple de Smith et Ricardo, Marx les plagie parfois. Il ne prétend en aucune façon créer une autre économie politique. il pense critiquer celle qui existe. Son apport principal est la « plus-value » ( sur-valeur / « mehrwert » ) qui est due au fait que les prolétaires sont payés à la valeur des marchandises qu’ils consomment et non à celle des marchandises qu’ils produisent. D’où le profit.
Mais Marx admet une « baisse tendancielle du taux de profit » à l’instar de ses prédécesseurs. Le capitalisme se caractérise par une perpétuelle fuite en avant à la recherche de nouvelles techniques et de nouveaux débouchés. D’où le colonialisme, l’impérialisme, le néo-impérialsime d’aujourd’hui.
Pour moi Karl Marx est le fondateur de la théorie des modes de production que j’ai essayé de compléter dans « Pour l’histoire » en 1971.