C’est à dix-sept ans, en classe terminale, que j’ai découvert le doute. Historien par vocation, j’étais passionné par cette discipline nouvelle, la philosophie. Cependant je la trouvais si difficile que je la réservais à mon intimité.
Je l’avais commencée pendant les vacances d’été avec Spinoza qui correspondait à mon désir primitif d’unité. Quelle est l’unité de tout ? Cependant j’ai tout de suite compris que nul n’et tenu d’accepter, en tout ou en partie, les postulats de Spinoza que celui-ci propose sur le modèle d’Euclide, « more geometrico », sur le mode de la géométrie.
En classe de « philo », mon premier « maître en doute » fut Descartes. Son fameux « cogito » ( « cogito, ergo sum », « je pense, donc je suis » ), je l’ai successivement traduit en : « dubito, ergo cogito, ergo sum », je doute, donc je pense, donc je suis, puis en « dubito, ergo sum », je doute, donc je suis.
Bien des années plus tard, j’ai été plus loin dans ma formulation en proposant : » dubito, ergo ( non ) sum « , je doute, donc je suis, je doute, donc je ne suis pas. J’ai mis cette dernière formule en exergue de mon premier ouvrage, « Pour l’histoire ».
Il ne s’agit pas pour moi de nier l’ambiguïté du doute, image de l’ambiguïté de la vie, ce que j’ai aussi appelé « la duplicité de l’Histoire » ( 2000 ).
Mon deuxième maître en doute fut Pascal que je persiste à mettre au pinacle. Pascal m’a appris comment on peut ériger un dogme à partit du doute. Je l’ai, beaucoup plus tard, appelé un « sceptique croyant ».
Grâce à Pascal, Blaise Pascal, j’ai compris comment, de doutes successifs en doutes successifs, on se voit vivant. On pourrait dire que plus on doute, plus on vit. Faute d’atteindre l’Etre, on vit, reflet humain de l’Etre. En quelque sorte, je doute, donc je vis.
Comment se fait-il que le doute soit tombé sur moi et sur si peu d’autres ? On a remarqué que c’est en termes philosophiques que j’ai découvert le Doute et non en termes scientifiques.
Le doute méthodique, de principalement scientifique, est devenu un art.