A.B.I. XI

Il m’est difficile de me remémorer ce que j’étais dans les années soixante. Mes écrits de l’époque sont de ce point de vue partiels.
Il reste que je suis d’accord avec eux pour l’essentiel et même plus.
Si j’étais un jeune homme en 2016, je me demande bien qui je serais, ce que je ferais. Tout a changé. Je suis cependant presque sûr que je serais féru d’informatique.
Ma pensée des années soixante, une fois débarrassé de l’agrégation que j’ai réussie en 1964, me parait particulièrement masculine et éprise d’idées et d’idéal. Elle était très théorique, extraordinairement tournée vers les généralités les plus abstraites.
Les années qui ont suivi ont érodé ces caractéristiques.
Philosophiquement j’étais matérialiste, très opposé à l’idéalisme. Dans les faits j’étais idéaliste, idéalisant en particulier la révolution chinoise. Mon maoïsme est resté une velléité dépourvue d’engagement pratique.
Je répète que je reste d’accord aujourd’hui avec mes concepts d’alors que je serais bien incapable d’inventer désormais.
Je suis fasciné par ma boulimie de lecture dans mes années de jeunesse. Actuellement je ne lis plus pour revenir à l’image, pour me concentrer sur mon fonds de culture personnelle. En quelque sorte l’abandonne le métal pour l’âge de pierre.
Plus encore, je peux dire que je privilégie désormais la culture aux dépens du savoir, la culture plus profonde et moins précise… C’est le fait de l’âge, mais aussi de l’expérience…
Au sortir de l’enfance j’ai privilégié l’abstraction, de façon certainement exagérée, mais du moins me suis-je ainsi protégé de certains embarras du concret…