Livre XVIII : Les ermites
Un seigneur préféra quitter la cour du tyran, un autre fut réduit à l’esclavage pour avoir osé faire une remontrance et un autre condamné à mort. Confucius vit en eux trois des hommes d’humanité.
Un homme de bien était magistrat et fut destitué plusieurs fois. On lui conseilla d’aller voir ailleurs. « Si je sers les hommes selon la Voie droite, je serai destitué où que j’aille, si j’utilise une voie détournée, autant que je reste chez moi »
Un duc ne savait pas trop quel rang attribuer au maître. Il avoua ne pas savoir quoi faire des services de Confucius. Celui-ci préféra quitter le pays.
Un duc envoya à l’un de ses collègues une troupe de belles musiciennes. Il n’y eut pas d’audience pendant trois jours. Confucius quitta le pays.
Confucius croisa, monté sur son char, le fou du prince qui chantait à tue-tête le danger qu’on court à faire de la politique. Le maître s’arrêta, descendit de son véhicule pour bavarder un instant, mais le bouffon s’enfuit
Confucius passait par les champs; il envoya un disciple demander la position du gué à deux paysans courbés qui travaillaient. Le premier répondit que celui qu’on venait de nommer Confucius devait savoir où était le gué. Le second affirma que le même flot emporte tout et tous à gros bouillons. Puis : « Plutôt que de suivre un mec qui louvoie de droite à gauche, des uns aux autres, il vaut mieux s’attacher à l’un de ceux qui se sont retirés du monde, à un ermite ». Là-dessus les deux courbèrent la tête sur leur travail. Leurs propos ayant été rapportés au maître, celui-ci dit en soupirant : « Peut-on s’en tenir à la seule compagnie des bêtes et des oiseaux ? Que puis-je faire si je ne peux trouver aucune aide chez un être humain ? Si la Voie régnait sous le Ciel, chercherais-je à y changer quelque chose ?